Donald Trump se transforme en chef de guerre par Antoine de Lacoste
Décidément, Trump ne va jamais où on l'attend. Lorsque les milices irakiennes pro-Téhéran ont détruit des installations pétrolières saoudiennes, il n’a pas bronché. Lorsque les Iraniens ont abattu un drone américain à 100 millions de dollars, il a rappelé ses avions partis pour punir l’Iran.
Ces derniers jours, les milices chiites irakiennes avaient franchi un nouveau palier en frappant une base américaine, tuant un contractant. La riposte n’avait pas traîné et 25 miliciens pro-iraniens ont été tués par plusieurs frappes à la frontière syro-irakienne. Des manifestations d’ampleur ont alors eu lieu à Bagdad, menaçant dangereusement l’ambassade américaine, mais sans faire de victimes.
Depuis que l’Amérique est sortie de l’accord nucléaire avec l’Iran et que Trump a choisi une politique de « pression maximum » sur son ennemi numéro un, il a toujours pris soin de ne jamais franchir le Rubicon. Récemment, à l’initiative du Président Macron, il s’était même montré disposé à avoir un entretien téléphonique avec le président Rohani. La conversation n’eut finalement pas lieu, mais par la faute des Iraniens.
En donnant son feu vert à l'éxécution du général Soleimani, Trump a, d’une certaine façon, brûlé ses vaisseaux. Soleimani était, officieusement, le numéro trois du régime iranien. Surtout, il était le stratège de la mise en place et de la préservation de l’axe chiite est-ouest : Irak, Syrie, Liban. Il avait deux ennemis : l’Amérique et les fondamentalistes sunnites. Ce dernier point l’avait d’ailleurs parfois rapproché des Américains, avec qui il avait travaillé pour renverser le régime des talibans en Afghanistan ou lutter contre Al-Qaïda en Irak, après l’invasion américaine.
Mais en sortant de l’accord nucléaire, auquel l’Iran tenait beaucoup, Trump a choisi de remettre l’Iran au cœur de « l’axe du mal ». Les deux pays s’étaient, certes, affrontés en Syrie, mais indirectement, car si les Iraniens avaient des milliers d’hommes aux côtés de l’armée syrienne, les Américains soutenaient l’insurrection islamiste sans présence officielle sur le terrain.
C’est d’ailleurs Soleimani qui avait rencontré Poutine à Moscou, cartes en main, pour le convaincre que sans intervention russe, al-Nosra et Daech finiraient par l’emporter.
Pour l’Iran, le coup est rude. Son stratège en chef a disparu, et il ne sera pas facile à remplacer. Une vengeance semble inéluctable. L’acte de guerre voulu par Trump (car c’en est un) en appellera d’autres en retour. L’Iran ne voudra pas perdre la face en ne réagissant pas, même si cela doit prendre du temps.
Trump a-t-il bien mesuré les conséquences de sa décision ? On ose l’espérer, mais alors, pourquoi avoir claironné à de très nombreuses reprises que les interventions lointaines et coûteuses devaient prendre fin ?
Depuis des décennies, la stratégie américaine au Proche-Orient est celle du chaos : en Irak, en renversant Saddam Hussein (le pire ennemi de l’Iran, d’ailleurs, allez comprendre…), en Syrie, en travaillant pour le renversement de Bachar el-Assad.
L’élimination de Soleimani relève de la même logique.