Ça va mieux
par Ph. Delelis
Cette petite phrase présidentielle est désapprouvée par 73% des Français selon OpinionWay. Sont-ils tous des « grincheux », comme l’auteur du « ça va mieux » le pense ? Indépendamment du fond, c’est-à-dire de l’amélioration indiscutable de certains indicateurs macroéconomiques (pour des raisons largement extérieures à toute politique économique nationale : prix du pétrole, taux de change, taux d’intérêt, demande étrangère etc.), il faut s’interroger sur ce sujet de perception d’une réalité contraire par une très vaste majorité de Français. Sans doute sont-ils assez convaincus par la Loi de Murphy laquelle peut s’exprimer sous sa forme la plus simple par : « Tout ce qui est susceptible de mal tourner, tournera nécessairement mal », ou, appliquée à l’action humaine, notamment politique : « S’il existe au moins deux façons de faire quelque chose et qu’au moins l’une de ces façons peut entraîner une catastrophe, il se trouvera forcément quelqu’un quelque part pour emprunter cette voie. » Les décisions des dirigeants français montrent assez la surprenante véracité de ces axiomes. Par exemple, la dissolution de l’Assemblée Nationale par le Président Chirac en 1997 reste dans toutes les mémoires comme la plus grande bêtise constitutionnelle jamais commise. Mais on pourrait multiplier les exemples de décisions étonnantes qui expliquent aujourd’hui la situation de la zone euro, de l’emploi, des comptes publics, du Moyen-Orient, des migrants, etc. Sans nécessairement connaître Edward A. Murphy Jr. et son œuvre, tous les Français ont inconsciemment intégré ses conclusions compte tenu de ce qu’ils ont constaté au fil du temps : le pire est toujours certain. D’où leur incompréhension quand ils sont confrontés à un responsable imprégné, quant à lui, de l’œuvre de Émile Coué de la Châtaigneraie (1857-1926), psychologue et pharmacien français, théoricien de la prophétie autoréalisatrice. Convaincu que l’imagination, plus que la volonté, guidait nos actes, Coué considérait que toute idée qui se gravait dans notre esprit tendait à devenir une réalité dans l’ordre du possible. Il répétait sans cesse : « Si étant malade, nous nous imaginons que la guérison va se produire, celle-ci se produira si elle est possible. Si elle ne l’est pas, nous obtiendrons le maximum d’améliorations qu’il est possible d’obtenir ». La méthode de M. Coué supposait une forte adhésion des sujets. Dans leur lit, ils devaient répéter comme une litanie : « Tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux », en s’aidant d’une cordelette à 20 nœuds qui était une sorte de chapelet laïc auto-guérisseur. C’est sans doute l’accessoire qui manque dans la communication officielle contemporaine afin de persuader les adeptes de Murphy de se convertir à la pensée positive. Peut-être aurait-il fallu profiter de l’envoi des déclarations d’impôts pour y joindre la cordelette (avec un mode d’emploi approprié de façon à éviter un néfaste détournement d’usage) ? Mais, ce débat est vain. Reconnaissons avec Tristan Bernard que : « les optimistes et les pessimistes ont un grand défaut qui leur est commun : ils ont peur de la vérité. ». •