UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Musée des Confluences : la blancheur de l’éléphant, par Olivier d'Escombeau

 

Au croisement du Beaujolais et du Bourgogne, ou plutôt du Rhône et de la Saône, se dresse désormais un musée gigantesque. Le musée des Confluences où une souris, le conseil général du Rhône, vient d’accoucher d’une montagne. La culture et le patrimoine lyonnais n’en sortent pas grandis.

La grandeur vue par les petits

Si vous êtes automobiliste, vous ne pourrez par le rater. En traversant Lyon, non loin du débouché du tunnel de Fourvière, un immense amas de verre et d’acier s’apprête à bondir sous vos roues. C’est le dernier-né des grands musées de province. Plus haut que le Mucem de Marseille, plus cher que le Louvre Lens, plus audacieux que le Centre Pompidou Metz, voici le dernier éléphant blanc sorti tout armé des poches des contribuables lyonnais qui les ont, il est vrai, profondes. Il devait coûter 60 millions d’euros. La somme a juste suffi à ses fondations avec un coût final de 255 millions d’euros ; hors taxes, bien sûr. C’est le testament du conseil général du Rhône bientôt fondu dans la métropole de Lyon.

Comment une institution qui s’est illustré, honorablement pendant deux siècles de rang dans l’art subtil du vin d’honneur a-t-elle pu engendrer pareille ineptie culturelle, budgétaire, architecturale ? Même l’inauguration a été un fiasco à faire rêver un scénariste de comédie : le préfet de région en vacances, le président du conseil régional excusé, le ministre de la Culture empêché, le président de la République au bois (à Chambord exactement) et, seule représentante du gouvernement, la fidèle Najat Vallaud-Belkacem, muette. Quel tour de force pour inaugurer un musée en chantier, au personnel tout aussi désemparé que celui du Restaurant Royal du film de Jacques Tati, Playtime.

Culture et brocante

Ce musée s’inscrit, selon la typologie consacrée, dans la catégorie des musées dits « de civilisation ». Il rassemble en une synthèse approximative le squelette de mammouth et le Minitel, le masque primitif sénoufos et les météorites, une femme âgée de 25 000 ans reconstituée et un camion Berliet. On gage que les écoliers, cible privilégiée de l’institution, apprécieront.

Le gigantisme stupide que l’on croyait l’apanage des hommes politiques nationaux et des administrations centrales trouve ainsi une nouvelle terre d’élection du côté de Perrache. Quant aux potentats locaux, ils n’ont rien oublié mais ils n’ont rien appris. Alors que les errements initiaux du Centre Pompidou ou de la Bibliothèque nationale de France ont été jugulés, ainsi que le montrent des projets nationaux récents comme le musée des Arts premiers ou le nouveau centre des Archives nationales. Leurs coûts ont été plutôt maîtrisés, leur fonctionnement est correct, leur utilité sociale reconnue.

Ce péché de grandeur consommé, le paysage culturel lyonnais laisse bien d’autres dossiers en souffrance. Les élus locaux semblent plus attachés à leurs propres métastases culturelles qu’aux legs engrangés par leurs prédécesseurs. À bas bruit, un autre patrimoine s’étiole, se disperse. Ainsi le musée Gadagne, consacré à l’histoire locale et aux marionnettes, se cherche un avenir bien incertain, la Fondation Napoléon Bullukian vend, au profit d’un projet immobilier de standing, son siège historique et disperse ses collections pourtant léguées à la Ville, le musée Malartre du château de Rochetaillée, autre legs, s’oriente vers la réimplantation de sa rarissime collection d’automobiles anciennes dans une banlieue périphérique, « emblème de la diversité ».

Ainsi le musée des Confluences à Lyon, « ogre mégalo » selon Télérama, est-il en train d’écraser de sa seule ombre le patrimoine local. Lyon capitale de la Résistance ? À d’autres. 

 

Olivier d'Escombeau - Politique magazine

Les commentaires sont fermés.