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Le plan de Manuel Valls peut-il réussir ? par François Reloujac*

Le plan de redressement présenté par Manuel Valls a tout pour frapper les esprits et pour permettre aux médias d’y faire largement écho. Cinquante milliards d’euros d’un côté, 650 000 contribuables exonérés de l’autre ; tous les ingrédients d’une bonne communication sont réunis.

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 Tous veulent y croire...

 

Le plan de Manuel Valls peut-il remettre l’économie française sur les rails ? Notons, pour commencer, qu’il repose sur une analyse économique approximative, qu’il suppose une maîtrise de l’environnement perdue depuis longtemps et qu’il consacre une faute politique majeure.

Une fois de plus, le Gouvernement fait semblant de croire qu’il existe une liaison automatique et univoque entre la croissance du PIB – qui vient toujours après une période de stagnation comme, après la pluie, vient le beau temps – et la diminution du chômage. Mais, cela n’a jamais été aussi simple. D’abord parce que la croissance du PIB n’est que la constatation d’une augmentation de la production vendue. Cette dernière peut, certes, être une cause partielle de cette croissance dans la mesure où, lors d’un accident passager, elle permet de renouer avec la confiance du fait que le surcroît de production résultant des embauches nouvelles trouvera à être vendu ; du fait également que l’augmentation des effectifs employés ne sera pas ultérieurement source de difficultés nouvelles, dues à une trop grande viscosité du marché du travail ou à une concurrence extérieure avantagée par des lois sociales et fiscales plus légères. Ensuite, parce que toute croissance du PIB ne traduit pas forcément une amélioration réelle du système économique, tant cet agrégat – comme disent les économistes – mélange les choux et les carottes et que son augmentation nominale peut résulter de multiples causes. Dont l’accroissement du nombre des fonctionnaires ou, ce qui n’est pas à l’ordre du jour, de la hausse de leur rémunération. Dans un système économique mondialisé, n’en déplaise au président de la République, lorsque l’économie « repart », cela ne signifie pas qu’elle reprend le chemin de l’expansion partout, dans tous les secteurs, dans tous les pays et dans les mêmes conditions. L’exemple japonais est là pour le rappeler.

Au-delà de cet aspect, l’analyse économique actuelle fait la part trop belle à l’arithmétique et pas assez à la psycho-sociologie des populations. Une augmentation du taux de l’impôt n’a jamais conduit à une augmentation proportionnelle des rentrées fiscales. Un taux d’impôt plus élevé peut donner effectivement lieu à un accroissement des recettes mais peut aussi engendrer des effets pervers s’il décourage les forces productives – en particulier les fameuses « classes moyennes » qui sont, en fait, les premières sources de richesse du pays – ou s’il conduit à une délocalisation de la production vers des « paradis » fiscaux ou règlementaires. Mais cela n’est pas tout.

 

Une absence de maîtrise de l’environnement

 

L’exemple récent du rachat de SFR par Numéricâble, ou celui de la négociation pour la vente d’Alstom à General Electric – à moins que ce ne soit à Siemens – , montre une fois de plus que la logique entrepreneuriale a, dans les analyses économiques actuelles sur lesquelles reposent les décisions politiques, laissé la place à une simple logique financière qui n’a que faire de l’état des pays dans lesquels elle prospère. Les conglomérats financiers d’aujourd’hui n’ont pas plus de respect des populations – réduites, selon le cas, au rang de simples consommateurs ou de vils facteurs de production – que les grands feudataires d’hier. Pour ceux qui en douteraient encore, il suffit de se remémorer l’exemple de la sidérurgie française dont le Gouvernement a voulu faire un champion européen et qui a simplement fini dans l’escarcelle d’un financier indien. Dans ces conditions, toute décision économique nationale est regardée par les décideurs financiers internationaux à la seule lueur de leurs intérêts propres. La puissance de ces derniers est telle qu’ils peuvent faire échouer les meilleures options en faveur du bien commun ou, à l’inverse, faire triompher les pires solutions à l’encontre de tel ou tel groupe social. Il ne faut donc pas s’étonner si, en France, « les effectifs du secteur industriel se sont effondrés, passant de 5,1 millions en 1980 à moins de 2,9 millions aujourd’hui » (C. Schubert, Frankfurter Allgemeine Zeitung, 27 avril 2014 - cité in Courrier International, n° 1227 du 7 au 14 mai 2014.).

 

Une erreur politique majeure

 

De plus, depuis que le financement de l’état ne dépend plus uniquement de la richesse réelle de la population du pays – que ce soit par l’impôt ou par l’emprunt placé auprès des nationaux – mais résulte des dispositions des marchés financiers internationaux et depuis qu’il est tributaire d’une monnaie dont le Gouvernement n’a plus la maîtrise, le montant total de la dette, le poids des intérêts et la capacité de remboursement sont plus qu’influencés par l’appréciation des agences de notation, les règlements de l’administration bruxelloise et les objectifs de la banque de Francfort. Aucune de ces instances n’a pour objectif la réussite du plan du Premier ministre français. Il en résulte que le taux d’intérêt que supporte la dette de l’état (2,2 % en termes nominaux, mais 1,7 % en termes réels) est supérieur au taux de croissance de l’économie du pays. C’est-à-dire que, plus l’état emprunte, plus il appauvrit les Français. Or, hélas, le taux de ces emprunts est susceptible d’augmenter plus rapidement que le niveau de la production nationale.

Les Français savent mieux que quiconque que l’on ne peut faire de la bonne finance que si l’on fait d’abord de la bonne politique. Autrement dit, le redressement économique de notre pays suppose avant tout que la population ait foi en l’avenir, qu’elle soit prête à accepter les sacrifices qu’on lui demande car elle est solidairement tendue vers un projet commun qui assure son unité. Au lieu de cela, alors que la situation économique est difficile et nécessiterait une unité étroite entre tous, le gouvernement de monsieur Hollande s’ingénie à diviser la société. Ce sont d’abord les lois qui mettent à mal la famille et qui, sous prétexte de lutte contre les discriminations, jettent l’opprobre sur ce qui est le fondement même de la société française ; ce sont ensuite les mesures administrativo-politiques qui divisent jusqu’aux partisans de la majorité et, surtout, jusqu’à leurs représentants ; c’est, enfin, la cacophonie permanente qui règne au sein du Gouvernement où chaque ministre veut faire entendre sa différence…

Dans ces conditions, on ne peut que souhaiter bon courage à Manuel Valls… et beaucoup de patience aux Français qui ne sont pas près de retrouver l’optimisme nécessaire à l’accomplissement de toute œuvre un peu efficace à défaut d’être grande.

 

*Analyse économique parue dans le numéro 130 (juin 2014) de Politique magazine

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