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Encore deux ans, monsieur le Président !, par François Reloujac*

(La suite économique de François Reloujac) 

Compte tenu de la conjoncture, la Commission européenne a donné deux ans de plus à la France pour revenir au respect des critères de Maastricht. Deux ans pendant lesquels la France ne sombrera pas dans l’austérité mais continuera de suivre une simple politique de rigueur. Mais qu’est-ce que l’austérité ? Qu’est-ce qu’une politique de rigueur ? Dans le langage politique d’aujourd’hui, « austérité » signifie baisse du train de vie de l’état tandis que « rigueur » veut simplement dire baisse du train de vie des citoyens. 

Les dernières statistiques publiées par Eurostat montrent à quel point cette politique du gouvernement français est peu originale. Si les déficits publics baissent dans pratiquement tous les pays européens, c’est parce que les impôts y augmentent partout plus vite que les dépenses publiques. De 2008 à 2011, les dépenses publiques ont continué à croître de plus de 6 % en moyenne, tandis que les impôts ont grimpé de près de 13 %. Si l’on ajoute à cette observation la constatation que, dans les dépenses publiques, ce sont les dépenses de fonctionnement qui ont augmenté alors que celles d’investissement ont à l’inverse ralenti, on comprend que la crise n’est pas près de finir. Pourtant, François Hollande n’en démord pas : à la fin de l’année la courbe du chômage aura été inversée.

 

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Donnons acte au Président du fait qu’il n’a pas prophétisé une baisse du nombre de chômeurs, mais simplement que la courbe se serait inversée. Il compte sans doute sur une purge miraculeuse des suppressions d’emplois d’ici à la fin de l’année... Il croit même à la reprise. Les statistiques antérieures montrent qu’un cycle économique ne dure jamais indéfiniment, une dizaine d’années environ, et que celui-ci se renouvelle six mois après avoir atteint son point le plus bas, selon des lois plus ou moins mécaniques. La crise actuelle ayant – officiellement – commencé en 2008, la reprise reviendra au plus tard au bout de cinq ans… en 2013 ! Il n’y a rien d’autre à faire qu’à attendre.

Ces cycles ont été étudiés dans un contexte très différent de celui d’aujourd’hui. Les mécanismes de relance, qui jouent sur la baisse des taux d’intérêt, ne peuvent plus être efficaces lorsque ceux-ci tournent autour de 0,5 %. Mais le mal le plus important n’est pas celui-là, n’en déplaise aux économistes à la mode. Maurice Allais, voici quelques années, avait corrélé les fluctuations économiques avec ce qu’il avait appelé le « cycle de l’oubli ». La relance dépendait essentiellement de la psychologie des agents économiques qui, ayant oublié les causes de la crise (endettement excessif, taux d’intérêts trop bas, stocks trop importants…), reprenaient confiance. Nous n’en sommes pas là...

 

A quand une politique cohérente ?

Relancer l’économie passe par la mise en œuvre d’une politique cohérente, approuvée par  tous les agents, d’accord pour s’entraider. Partager la même monnaie implique d’être solidaires en tout, d’avoir les mêmes lois sociales, de respecter les mêmes règles économiques. Toute divergence de politique entre la région la plus riche et la région la plus pauvre d’un marché intégré usant d’une seule et même monnaie conduit inéluctablement à plus ou moins long terme à de très graves difficultés. La région la plus riche ne pouvant alors que continuer à s’enrichir au détriment de la plus pauvre. Il n’est pas plus raisonnable pour le préfet de Corrèze de vouloir imposer à Paris sa politique financière que d’ignorer les spécificités de la Corrèze pour les ministres parisiens. A plus grande échelle, la France et l’Allemagne partagent la même monnaie au sein d’un marché intégré. Il est inutile que l’une jette des anathèmes contre l’autre : elles n’ont d’autre choix que de s’entendre ou de se séparer.

Dans ce contexte agité, les hommes politiques ont trouvé ces pelés, ces galeux, par qui vient tout le mal : les champions de l’évasion fiscale ! Ceux qui, usant de la libre circulation des capitaux prônée par l’OMC, placent discrètement leurs avoirs dans les pays où les impôts sont les moins élevés. En les désignant à la vindicte populaire, peut-on vraiment détourner l’attention des électeurs des vraies responsabilités ? Par ailleurs, cette lutte contre les fraudeurs ne concerne que les particuliers, non les entreprises multinationales devenues expertes en « optimisation fiscale ». Le dernier sommet européen sur le sujet a été très symptomatique de cette différence de traitement. En outre, comment obliger les états tiers à renoncer aux capitaux qui viennent soutenir l’économie locale en fuyant l’enfer fiscal des pays qui les virent se créer ? Indépendamment du fait que ces capitaux ne seraient pas forcément plus utiles dans les pays développés où ils sont devenus disponibles que dans les pays où ils sont employés. Toute l’attention des hommes politiques devrait vraiment porter sur la localisation de ces capitaux, qu’elle ne soit pas simplement artificielle et qu’elle ne dissimule pas la réalité. Mais pour cela, il faudrait que la comptabilité des multinationales n’obéisse pas à des lois que l’on a voulu complaisantes. N’ont-elles pas été adoptées pour pousser les « champions nationaux » à se faire une place sur les marchés internationaux ?

Un sursis de deux ans

Quoi qu’il en soit, la France a obtenu deux ans de sursis. Cela permet d’espérer que, malgré tout, le miracle se produira et que l’économie française repartira suffisamment d’ici là pour que, sans rien changer aux habitudes des pouvoirs publics et des administrations, les ratios imposés par le traité de Maastricht se rétablissent d’eux-mêmes. Ce sursis valait bien une petite contrepartie : le démantèlement du marché français de l’électricité. EDF devait déjà mettre à la disposition de ses concurrents, à un prix préférentiel, l’électricité qu’elle produit et que ceux-ci peuvent désormais vendre moins cher aux consommateurs. Ce n’était pas suffisant. Le gouvernement va aussi devoir céder à des sociétés étrangères plusieurs concessions de barrages hydroélectriques construits en France. Quant à la réglementation des prix, elle devra être démantelée. La soumission de ce marché à la concurrence se traduira quasi immédiatement par une augmentation des prix payés par les consommateurs, personnes physiques, et une baisse de ceux supportés par les entreprises multinationales qui délocalisent leurs résultats dans les pays où la fiscalité est la plus avantageuse.

Gageons que ce ne sont pas ces mesures qui permettront à la France de sortir de la récession actuelle. Encore deux ans, Monsieur le Président, pour présenter un bilan aux censeurs européens qui exigeront le respect de la « règle d’or » que vous avez imposée. Il est temps d’opter pour une politique économique cohérente et à laquelle tout le peuple puisse se rallier. Bientôt il sera trop tard.  

 

* Analyse économique parue dans le n° 119 de Politique magazine, Juin 2013.

Commentaires

  • excellent billet d'analyse.
    Mais pourquoi voulez vous qu'un gouvernement veuille faire adhérer le peuple français à des reformes utiles intelligentes et salvatrices?
    ce même état qui abêtit ses sujets en favorisant les loisirs les plus" cons"
    qui fabrique dans ses écoles les crétins de demain
    ce gouvernement n'a aucun intérêt a avoir des citoyens qui réfléchissent!

Les commentaires sont fermés.