...l'idéologie jacobine centralisatrice.
Voici le texte complet de La Coumtesso.
Le poème se compose de trois parties, de sept, six et quatre strophes respectivement. Entre chaque strophe s'intercalent les deux vers "Ah, se me sabien entèndre ! Ah se me voulien segui !" ("Ah, si l'on savait m'entendre ! Ah, si l'on voulait me suivre !").
I
I : -Sabe, ièu, uno Coumtesso / Qu'es dou sang emperiau: / En bèuta coumo en autesso / Cren degun, ni liuen, ni aut; / E pamens uno tristesso / De sis iue nèblo l'uiau.
(Moi, je sais une Comtesse / Qui est de sang impérial: / En beauté comme en noblesse / Ni au loin, ni en haut elle ne craint personne; / Et pourtant une tristesse / Voile de brume l'éclair de ses yeux.)
II : -Elo avié cènt vilo forto, / Elo avié vint port de mar; / L'ouliviè davans sa porto / Oumbrejavo, dous e clar; / E tout fru que terro porto / Ero en flour dins soun relarg.
(Elle avait cent villes fortes / Elle avait vingt ports de mer; / L'olivier devant sa porte / Jetait son ombre douce et claire; / Et tout fruit que porte la terre / Était en fleur dans son parc.)
III : -Pèr l'araire e pèr l'eissado / Elo avié de plan de Diéu. / E de colo ennevassado / Pèr se refresca l'estiéu: / D'un gran flume l'arrousado, / D'un grand vènt lou soufle viéu.
(Pour la charrue et pour la houe / Elle avait des plaines bénies / Et des montagnes couvertes de neige / Pour se rafraîchir, l'été. / D'un grand fleuve, l'irrigation / D'un grand vent le souffle vif.)
IV : - Elo avié pèr sa courouno / Blad, oulivo emai rasin; / Avié de tauro ferouno / E de chivau sarasin; / E poudié, fièro barouno, / Se passa de si veisin.
(Elle avait pour sa couronne / Blé, olives et raisins; / Elle avait des génisses farouches / Et des chevaux sarrasins. / Et elle pouvait, fière batonne / Se passer de ses voisins.)
V : - Tout lou jour cansounejavo, / Au balcoun, sa bello imour; / E cadun barbelejavo / De n'ausi quauco rumour, / Car sa voues èro tant siavo / Que fasié mouri d'amour.
(Tout le jour elle chantait / Au balcon, sa belle humeur; / Et chacun grillait d'envie / D'en ouir quelque rumeur, / Car sa voix était si douce / Qu'elle faisait mourir d'amour.)
VI : - Li troubaire, se devino, / Iè fasien grand coumpagnié: / Li fringaire à la plouvino / L'esperavon, matinié; / Mai, coumo èro perlo fino, Carivendo se tenié.
(Les poètes, on le devine, / Lui faisaient grande compagnie; / Les soupirants, sous le givre, / L'attendaient, matinals; / Mais, comme elle était perle fine, / Elle se tenait à haut prix.)
VII : - Sèmpre pourtavo uno raubo / Facho de rai de soulèu; / Quau voulié counèisse l'aubo, / Vers la bello courriè léu ; / Mai uno oumbro aro nous raubo / La figuro e lou tablèu.
(Toujours elle portait une robe / Faite de rayons de soleil; / Qui voulait connaître l'aube, / Vers la belle accourait vite; / Mais une ombre maintenant nous dérobe / La figure et le tableau.)
II
I : - Car sa sorre, sa sourrastro, / Pèr eireta de soun bèn, / L'a clavado dins li clastro, / Dins li clastro d'un counvènt / Qu'es barra coume uno mastro / D'un Avènt a l'autre Avènt.
(Car sa soeur d'un autre lit, / Pour avoir son héritage / L'a enfermé dans le cloître / Dans le cloître d'un couvent / Qui est clos comme une huche / D'un Avent à l'autre Avent.)
II : - Aqui jouine emai carcano / Soun vestido egalamen / D'un plechoun de blanco lano / E d'un negre abihamen; / Aqui la memo campano / Règlo tout coumunamen.
(Là les jeunes et les vieilles / Sont vêtues également / D'un voile de blanche laine / Et d'un habillement noir; / Là, la même cloche / Règle tout communément.)
III : - Aqui, plus de cansouneto, / Mai de-longo lou missau; / Plus de voues galoi e neto, / Mai silènci universau: / Rèn que de cato-faneto, / O de vieio à tres queissau.
(En ce lieu, plus de chansons, / Mais sans cesse le missel; / Plus de voix joyeuse et nette, / Mais silence universel: / Rien que des sainte-nitouches / Ou des vieilles à trois dents.)
IV : - Bloundo espigo de tousello, / Garo lou voulame tort ! / A la noblo damisello / Canton li Vèspro de mort; / E'm'aco l'on ié cisello / Sa cabeladuro d'or.
(Blond épi de froment, / Gare la faucille torte ! / A la noble demoiselle / On chante les Vêpres des morts; / Et avec des ciseaux on lui coupe / Sa chevelure d'or.)
V : - Or la sorre que l'embarro / Segnourejo d'enterin; / E d'envejo, la barbaro, / I'a'sclapa si tambourin , / Ede si vergié s'emparo / E ié vendémio si rin.
(Or la soeur qui l'emprisonne / Domine pendant ce temps-là; / Et, par envie, la barbare / Lui a brisé ses tambourins, / Et elle s'empare de ses vergers / Et lui vendange ses grappes.)
VI : - E la fai passa per morto, / Sèns poudé ié maucoura / Si fringaire - que per orto / Aro van, despoudera... / E ié laisso, en quauco sorto / Que si bèus iue pèr ploura.
(Et elle la fait passer pour morte, / Sans pouvoir décourager / Ses amants qui à cette heure / Vont errants et impuissants... / Et elle ne lui laisse, en quelque sorte, / Que ses beaux yeux pour pleurer.)
III
I : - Aquéli qu'an la memori, / Aquéli qu'an lou cor aut, / Aquéli que dins sa bori / Sénton giscla lou mistrau, / Aquéli qu'amon la glori, / Li valènt, li majourau,
(Ceux-là qui ont la mémoire, / Ceux-là qui ont le coeur haut, / Ceux-là qui dans leur chaumière / Sentent le souffle aigu du mistral, / Ceux-là qui aiment la gloire, / Les vaillants, les chefs du peuple,)
II : - En cridant : "Arasso ! arasso !" / Zou ! li vièi e li jouvènt, / Partirian toutis en raço / Emé la bandiero au vènt, / ParTirian coume uno aurasso / Per creba lou grand couvènt !
(En criant : "Fais place ! place ! / Impétueux, les vieux et les jeunes, / Tous en race nous partirions / Avec la bannière au vent, / Nous partirions comme une trombe / Pour enfoncer le grand vouvent !)
III : - E demoulirian li clastro / Ounte plouro jour-e-niue, / Ounte jour-e-niue s'encastro / La moungeto di bèus iue... / Mau-despoé de la sourrastro, / Metrian tout en dès-e-vue !
(Et nous démolirions le cloître / Où pleure nuit et jour, / Où nuit et jour l'on claquemure / La nonnain aux beaux yeux... / En dépit de la soeur mauvaise, / Nous bouleverserions tout !)
IV : - Penjarian pièi l'abadesso / I grasiho d'alentour, / E dirian a la Coumtesso : / "Reparèisse, o resplandour ! / Foro, foro la tristesso ! / Vivo, vivo la baudour !
(Puis nous pendrions l'abbesse / Aux grilles d'alentour, / Et nous dirions à la Comtesse : / "Reparais, ô splendeur ! / Hors d'ici la tristesse ! / Vive, vive l'allégresse !)