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Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet

"C'était les Daudet", de Stéphane Giocanti...

"C'était les Daudet", de Stéphane Giocanti...

...présenté par Charles-Henri d'Andigné, dans "Famille chrétienne" (du 26 janvier 2012, n° 1828) :

1. L'article (texte intégral) :

"A travers l'histoire de la famille Daudet, c'est tout un pan de l'Histoire de France, de la révolution industrielle à la Deuxième Guerre mondiale, que l'écrivain Stéphane Giocanti fait revivre avec talent.

Qu'est-ce qui unit la famille Daudet ? La politique ? Non, mais la littérature, incontestablement, et la Provence. Alphonse Daudet, le plus connu, est né à Nîmes en 1840. Après une enfance pauvre à Lyon, qui inspirera plus tard Le Petit Chose, il monte à Paris où il devient secrétaire du duc de Morny, ce qui lui laisse pas mal de temps pour se livrer à son activité favorite : l'écriture. Il ne dédaigne pas non plus les plaisirs terrestres, aidé en cela par un physique avantageux. Freud, qu'il croise un jour chez le Dr Charcot, le décrit ainsi : "Il est très beau, un visage magnifique... une grande vivacité de mouvements, une voix sonore."

Alphonse, le père, chantre de la Provence natale.

Disciple de Flaubert, émule de Dickens, ami de Frédéric Mistral - le père du Félibrige (1) -, et de Zola, Alphonse Daudet devient peu à peu un des grands écrivains de l'enfance et le chantre de sa Provence natale. "Les Lettres de mon moulin", en 1866, marquent un tournant dans sa carrière. Certains le comparent à La Fontaine. "Tu as réussi avec un merveilleux talent ce problème difficile : écrire le français en provençal", lui écrit son ami Mistral. Même le normand Barbey d'Aurevilly est conquis. Parmi ces "Lettres", le célébrissime "Curé de Cucugnan", "petit monument de théologie provençale et d'intelligence chrétienne", souligne Stéphane Giocanti.
Avec sa femme, Julia, il reçoit le tout-Paris littéraire et artistique. Le poète Leconte de Lisle, le musicien Massenet, les écrivains Mirbeau, Barrès, Loti, pour ne citer qu'eux, sont des familiers. C'est dans ce "prodigieux bain de culture" qua naîtra Léon. Dès sa prime enfance, celui-ci fait preuve d'un appétit de lecture insatiable.
Après une adolescence influencée par un professeur de philosophie kantien - il en perdra plus ou moins la foi -, il se lance avec fougue dans des études de médecine, marqué qu'il est par la santé très fragile de son père. Bientôt il se marie - civilement - avec Jeanne Hugo, petite-fille de Victor, dont il divorcera rapidement avant de renouer avec la foi de son enfance. Non sans avoir connu, lui aussi, force conquêtes féminines. C'est grâce à son épouse, Marthe Allard, épousée religieusement en 1903, qu'il renoue définitivement avec l'Eglise.

Léon, le fis : l'orateur redouté

Léon Daudet, c'est avant tout un incroyable tempérament. Sans avoir le physique de son père, il a de "belles mains" qui "semblent distribuer des faveurs", dira Pauline Benda, qui souligne aussi "la chevelure ondulée d'un Vénusien, l'oeil brillant d'un Provençal, le nez busqué d'un enfant d'Israël, la bouche gourmande d'un enfant de Rabelais".
Il a également une voix de stentor et un talent d'orateur hors pair, que redouteront ses collègues parlementaires. Plein d'humour et de verve, il fait rire les salons en imitant Zola et son zézaiement. Impétueux, boulimique, généreux, doté d'une sensibilité à fleur de peau et d'une vitalité débordante, il s'intéresse à tout, à la musique comme à la littérature, à la politique comme à la psychologie.
Réactionnaire, Léon ? Politiquement, oui, sans doute. Il s'est converti au principe monarchique sous l'influence de Maurras, et, à la tête du quotidien L'Action française, il se battra pour que triomphent ses idées avec une vigueur assez rare.
Mais sur le plan littéraire, c'est l'ouverture même. "La patrie, je luis dis merde, quand il s'agit de littérature !" dira-t-il un jour. Il perçoit le génie de Proust, "observateur puissant et aigu de la nature humaine", et celui de Céline, dont l'écriture haletante et syncopée choque nombre de lecteurs; il lance Paul Morand ("écrivain de race, écrivain rapide"), célèbre Alain Fournier et son "Grand Meaulnes", prend la défense de Gide, encense Bernanos dont il loue la "grande force intellectuelle et imaginative".
C'est aussi un des meilleurs mémorialistes du siècle, laissant, dans ses "Souvenirs littéraires", une suite inoubliable de portraits
tous plus brillants et pittoresques les uns que les autres.
Les Daudet ? "Aucune famille ne s'est trouvée davantage au centre de la vie artistique, littéraire et politique", résume Stéphane Giocanti.
Charles-Henri d'Andigné


2. "Le scandale Debussy", court extrait du livre de Giocanti :

"...Au mois de mai 1902 a lieu l'un des grands scandales de l'histoire de la musique : la création de Pelléas et Mélisande, le drame musical de Claude Debussy. Sifflets, quolibets, formation des partis pour et contre...
Tandis que la presse est presqu'unanime à critiquer un chef d'oeuvre qui rompt avec le chant wagnérien et invente de nouvelles harmonies, Léon prend fait et cause pour Debussy - parti pris qui n'est ni celui d'un conservateur, ni d'un réactionnaire. "L'atmosphère tenait de la bataille et du lancement d'un beau navire", se souvient-il....
Fidèle à l'esprit d'ouverture révélé par son père dans son salon, Léon comprend ce qui ne s'appelle pas encore l'avant-garde musicale , il vomit "cette horreur du beau qui dort dans l'esprit de beaucoup de bourgeois".
Après cette soirée mémorable, il court féliciter Debussy..."