Léon Daudet vu par : Pierre Gaxotte
De "L'Action française racontée par elle-même", par André Marty, pages 388/389 :
"...Quand je ferme les yeux et que je me reporte vingt-cinq ans en arrière, j’entends d’abord son pas rapide, son rire puissant, sa voix chaude, si curieusement chargée de sonorités métalliques.
Il apportait avec lui une extraordinaire puissance de création et d’enthousiasme, une générosité d’humeur, un don de soi qui exaltait et qui réconfortait.
Cependant, s’en tenir à ce Léon Daudet, bon vivant, cordial, gastronome, accueillant, parlant avec un lyrisme précis du vin et de la table, serait se contenter d‘un Daudet rapetissé et faux.
Pour ne faire qu’un crayon superficiel, il faudrait ajouter encore une conversation éblouissante, une curiosité universelle, un jaillissement ininterrompu d’idées, d’images, de souvenirs, une mémoire prodigieuse, une gaieté naturelle et autoritaire, signe d’un tempérament supérieurement robuste et équilibré…
… (Léon Daudet) était ordonné, exact, précis, minutieux dans son travail.
Jamais le moindre retard, jamais la moindre irrégularité.
Ses articles arrivaient toujours à heure fixe, dessinés plutôt qu’écrits, d’une graphie un peu épaisse, parfaitement régulière, belle à l’oeil, sans bavure, sans hésitation, image d’une réflexion rapide, harmonieuse et sûre…
…Certes, son oeuvre est inégale. Dans le prodigieux travail qu’il s’est imposé toute sa vie pour vivre et pour faire vivre les siens, tout n’est pas de la même valeur ni de la même veine.
Mais quels trésors !
Ses sept ou huit volumes de Souvenirs sont indestructibles.
Il faut les placer à côté de Saint-Simon pour l’acuité de la vision et la profondeur psychologique, à côté de Rabelais pour l’opulence, l’éclat, la nouveauté de la langue.
Daudet avait ce don unique de rajeunir les mots, de ranimer les images, d’en créer de nouvelles, d’en tirer des effets extraordinaires, tantôt pathétiques, tantôt d’une bouffonnerie énorme…
…Les éditeurs disaient que son article de l’Action française était le "seul qui fît vendre".
Il usait de son influence sur le public avec une générosité, une abnégation, une bonté que ne peuvent oublier ceux qui ont eu le privilège de pouvoir un jour lui dédier leur reconnaissance.
Oui, Léon Daudet était foncièrement bon.
Sans fortune lui-même, il trouvait toujours quelqu’un à qui donner.
Il donna la dot de sa femme pour fonder l’Action française, sa pension des Goncourt pour soulager les hommes de lettres malchanceux, son indemnité parlementaire pour aider des anciens combattants chargés d’enfants….
...Que tous ceux qui aiment leur pays s'inclinent très bas devant cet homme qui a payé de tant d'épreuves le génie dont la nature l'avait doué.
Que ceux qui l'ont connu s'inclinent très bas devant son admirable femme et devant ses enfants et qu'ils se disent encore : "L'avons-nous assez aimé ?"...."
Illustration : François Rabelais.
"...(ses "Souvenirs") Il faut les placer à côté de Saint-Simon pour l’acuité de la vision et la profondeur psychologique, à côté de Rabelais pour l’opulence, l’éclat, la nouveauté de la langue..."