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Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet

Propos anciens de "l'affectueux" d'alors...

Propos anciens de "l'affectueux" d'alors...

Dans le passage qui précède, Daudet ne dit pas à qui parlait Clemenceau, et ne donne pas la date exacte de la conversation. Elle eut forcément lieu après la guerre, en 1919 ou 1920...
Or, cette attitude de Clemenceau qui, ce jour-là et en ces années-là parla "affectueusement" à l'un des hauts responsables de l'Action française, laisse rêveur...
En effet, depuis les origines - et c'est peu de le dire... - Clemenceau se situait à l'autre extrême de l'échiquier politique par rapport à l'Action française.
"Bleu de Vendée", chose assez rare à l'époque (tout comme le grand'père Allard de Léon Daudet était un"bleu de Bretagne", chose là aussi assez rare, à l'époque...) Clemenceau n'avait pas craint de prononcer, en 1881, des propos littéralement scandaleux et répugnants, et peut-être propres aujourd'hui - vu l'évolution des choses - à traîner leur auteur devant les tribunaux, pour apologie de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité.
C'était le 29 janvier 1881 - quarante ans donc avant la conversation "affectueuse" rapportée par Daudet - suite à l’interdiction de la pièce Thermidor de Victorien Sardou, jugée "antirépublicaine". Georges Clemenceau avait répondu à Joseph Reinach :

"J'approuve tout de la Révolution : j'approuve les massacres de septembre où, pour s'éclairer, la nuit venue, les travailleurs plantaient des chandelles dans les yeux des morts.
J'approuve les noyades de Nantes, les mariages républicains où les vierges accouplées à des hommes, par une imagination néronienne, avant d'être jetées dans la Loire, avaient à la fois l'angoisse de la mort et la souffrance de la pudeur outragée. J'approuve les horreurs de Lyon, où l'on attachait des enfants à la gueule des canons, et les égorgements de vieillards de quatre vingt dix ans et de jeunes filles à peine nubiles.
Tout cela forme un bloc glorieux et je défends qu'on y touche.
Je défends que, sur un théâtre qui dépend de l'Etat, un dramaturge illustre vienne, après plus de cent ans révolus, prononcer une parole de pitié qui serait un outrage aux mânes augustes de Robespierre et de Marat".

Entre ces propos de 1881 et le soutien de l'Action française à Clemenceau, que s'était-il donc passé ?
La guerre, tout simplement, et le fait que, pour la gagner, il fallait à la tête du pays, un "homme à poigne" (on se souvient du mot de Barrès : "La France, elle est poignarde", c'est-à-dire qu'elle veut être gouvernée par un homme qui sait ce qu'il veut et où il va...).
Or, dans la déliquescence et l'ambiance délétère créées par un conflit qui s'éternisait, Clemenceau apparut aux dirigeants royalistes, malgré son âge, comme le plus capable, et le seul capable. d'en "finir enfin".
Leur jugement fut d'ailleurs, curieusement, corroboré par un personnage honni s'il en fut : le propre Kaiser allemand, l'Empereur Guillaume II en personne, le responsable de cette épouvantable hécatombe de 14, celui qui, avait voulu et déclenché cette Grande Guerre, véritable suicide collectif de l'Europe.
L'empereur déposé Guillaume II écrit en effet, dans ses Mémoires (page 130) :

"La cause principale de la défaite allemande ? Clemenceau. (…) Non, ce ne fut pas l'entrée en guerre de l'Amérique, avec ses immenses renforts (…) Aucun de ces éléments ne compta auprès de l'indomptable petit vieillard qui était à la tête du gouvernement français. (…) Si nous avions eu un Clemenceau, nous n'aurions pas perdu la guerre..."

Le jugement des dirigeants de l'Action française corroboré par le Kaiser lui-même ! Et leur décision de soutenir Clemenceau, l'ennemi de toujours - mais pour le salut de la Patrie - validée et légitimée par celui qui était, en quelque sorte... le premier concerné !