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Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet

1904 : Rencontre avec le duc d'Orléans, à Londres.

1904 : Rencontre avec le duc d'Orléans, à Londres.

De "Au temps de Judas", pages 221/222/223 :

"...Je disais que c'est en 1904 que je fis la connaissance du Prince, à Londres, à l'hôtel Savoy.
Je savais, par Vaugeois, Maurras et Montesquiou, en présence de qui j'allais me trouver.
Cependant l'impression fut plus forte que la supposition.
Le duc est grand et mince, d'une élégance unique, et il vous happe avec ses yeux bleus, où se mélangent le ciel et l'eau.
D'un geste affectueux et vif, il vous prend le bras, quand il veut vous convaincre.
Sa voix est chaude, directe, sans apprêt, en constant accord avec son regard.
On le sent tout de suite méfiant et bon, dédaigneux des balivernes, ami de l'essentiel, y courant, reliant les éléments épars d'une causerie, se formant un jugement - révisible - sur son interlocuteur, et d'une exquise sensibilité.
C'est un fait qu'il inspire le dévouement et que sa seule approche vous récompense des efforts qu'on a pu faire pour sa cause, qui est celle du pays.
Il paraît baigné de mélancolie, privé d'un sol qu'il chérit par toute ses fibres, dont chaque grain - patrimoine idéal - lui est précieux.
Au bout d'une heure d'entrevue, j'étais conquis à jamais et les moindres détails du déjeuner qui suivit, et où le Prince montra les facettes brillantes de son esprit de primesaut, me sont demeurés chers comme de vieux amis.
Il n'est, d'ailleurs, aucun de ceux qui ont approché ce vivant entre les vivants, qui n'ait conservé de Lui une impression analogue.
Jules Lemaître, rebelle comme pas un à l'étiquette des cours et à l'emballement, parlait avec ravissement de ses entretiens avec le duc d'Orléans et peignait, en termes fort justes, "cette force de sympathie, cette aimantation du regard et de la voix".
Il concluait :
"Comme il est gentil !... Quel accueil lui feraient les Parisiens s'il descendait à cheval l'avenue des Champs-Elysées !... Mais c'est qu'il est naturellement populaire !"
Cher Lemaître, il était tout content de sa conversion à la monarchie, avouée, carrée, totale, définitive :
"J'ai ainsi doublé mon plaisir de fréquenter cet homme séduisant... C'est que le plaisir, Léon, ça compte aussi...
- Fichtre, parrain, je vous crois !"
Lemaître était en effet le parrain de mon second fils (1), de mon petit Philippe - dont le nom est tout un programme - et que nous élevons, sa maman et moi - il faut l'avouer - dans des sentiments fort peu républicains.

(1) : Léon Daudet tient compte ici de son fils Charles, unique enfant qu'il aura de son premier mariage avec Jeanne Hugo, un mariage malheureux qui ne dura pas cinq ans...
Philippe Daudet est donc bien, à l'époque, "le second" enfant de Léon, mais, de son "second et véritable mariage" avec Marthe Allard.
Dans ce second mariage, Daudet aura trois enfants, dont Philippe est le premier, suivi de François et de Claire...

Illustration : Le duc d'Orléans, Philippe VIII, adolescent.
Né en 1869, il a 35 ans au moment de la rencontré évoquée ici par Léon Daudet.
Il réside à l'étranger, en application de la Loi d'exil votée le 26 juin 1886, et qui ne sera abolie qu'en 1950, sur proposition du député MRP du Morbihan, Paul Hutin-Desgrées.
Cette loi interdisait l’accès et le séjour sur le sol français aux chefs des familles royales (et impériale) ayant régné sur la France, ainsi qu’à leur fils aîné.
Elle interdisait également à tous les hommes de ces familles de servir dans l’armée française.
Mais, à la différence des précédentes, cette loi ne concernait que les "prétendants" (Orléans et Bonaparte) ainsi que leurs fils aînés, et pas les autres membres de la famille...