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Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet

Une autre réunion "agitée"...

Une autre réunion "agitée"...

De "Paris vécu", Deuxième série, rive gauche, pages 220/221/222 :

"...Entre la rue Croix-Nivert et la rue de Lourmel, se trouve la rue Fondary, où nous tombâmes dans un véritable guet-apens, lors de la campagne électorale de 1919, Marie de Roux, le lieutenant de la Motte et moi, ainsi qu'une cinquantaine de Camelots du Roi.
C'est miracle qu'il n'y ait pas eu de morts, ni de blessés.
La chose se passait dans un préau d'école, endroit où il est malaisé de se défendre.
C'était au début de la propagande communiste, et le signal de l'attaque fut donné par un personnage malodorant, hirsute et barbu, ne parlant pas un mot de français, qui brandissait une carte rouge. Trois ou quatre cents voyous et tricoteuses enragées s'avancèrent vers nous, armés de couteaux et de révolvers, aux cris de : "A mort !" et de "Daudet assassin !".
Car les journaux révolutionnaires, prenant la suite du "Bonnet rouge", prétendaient chaque jour que j'avais été la cause de l'assassinat de Jaurès par mes articles dans l'A.F. Or jamais aucune de ces prétendues provocations au meurtre ne put (et pour cause) être citée. Bien mieux, celui qui avait tué Jaurès avait appartenu à l'organisation démocratique-chrétienne du Sillon, dont nous avons toujours été les adversaires.
Mais les apaches de la rue Fondary, comme d'ailleurs les torchons en question, se fichaient pas mal de la vérité et de la vraisemblance. L'important, pour eux, était de se débarrasser de nous et de nos polémiques, à tout prix.
Ce fut de La Motte qui sauva la situation, avec une admirable présence d'esprit.
Il était à côté de moi au bureau. Saisissant la carafe traditionnelle, il en administra un coup tel sur la trombine du premier assaillant, un grand gaillard que je vois encore, que celui-ci s'en étala tout de son long.
Profitant de la surprise, et du petit répit consécutif, nos amis, à coups de bâton bien administrés, creusèrent une très jolie allée, par laquelle nous sortîmes, de Roux et moi, et sautâmes dans l'auto de notre cher Alary, laquelle démarra aussitôt.
Ce tour de "passez muscade" fut accompli en quelques secondes. J'eus cependant le temps d'apercevoir le barbu à la carte rouge, qui trépignait de rage, et vociférait et débagoulait en charabia.
Depuis cette mémorable soirée, je ne dédie jamais un livre à de La Motte sans ajouter, à ma signature, la carafe symbolique, à l'aide de laquelle il me sauva la vie.
Quant au bénéficiaire du choc de ladite, je ne sais ce qu'il est devenu. Il est peut-être encore évanoui à l'heure qu'il est... après dix ans..."