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Maîtres et témoins...(II) : Jacques Bainville.

Belgique : la sagesse bénéfique de Louis-Philippe.

Belgique : la sagesse bénéfique de Louis-Philippe.

De "L'Histoire de trois générations", pages 58/59/60 :

"...Au milieu des Etats qui grandissent, des peuples qui s'éveillent et qui s'agitent, la France, à partir de 1830, se trouve dans une situation qui annonce déjà celle où elle s'est trouvée de nos jours.
La France ne domine plus par sa population ni par ses forces. Elle n'a plus la pleine liberté de ses mouvements, et une politique inconsidérée peut l'exposer à chaque instant à des risques graves.
C'est pourquoi, après avoir contribué à la libération de la Belgique, Louis-Philippe refusa d'écouter les partis qui le poussaient à l'annexion et préféra la solution de la barrière belge, pour laquelle nous ne saurions aujourd'hui lui avoir assez de reconnaissance.
Plus il allait, d'ailleurs, plus il était frappé des changements de l'Europe. En 1840, au moment où menaçait une guerre inégale, évitée grâce à sa fermeté et à son coup d'oeil, il avait pu observer le frémissement de l'Allemagne. Le patriotisme germanique, qui avait éclaté à cette occasion, reste marqué dans notre littérature par la célèbre réponse de Musset au "Rhin allemand" de Becker.
Par-dessus les frontières et les gouvernements, déjà les nations se lançaient des défis. Louis-Philippe, averti du péril qui se formait au-delà du Rhin, entrevit le choc de peuple à peuple, les guerres géantes qui s'apprêtaient. Dès lors, son principe fut d'éviter les incendies dans une Europe où les nationalismes naissants accumulaient les substances inflammables.
D'ailleurs, il ne se contentait pas de rester immobile, d'observer le "quieta non movere". De là son entente avec Metternich et l'Autriche en vue d'arrêter les aspirations unitaires en Allemagne comme en Italie. Cette suprême précaution lui fut fatale et le parti du "mouvement", c'est-à-dire de l'imprudence, ne la lui pardonna pas.
La réforme électorale ne fut que le prétexte de la révolution de 1848. Moins clairvoyant au-dedans qu'au-dehors, Louis-Philippe avat répété la faute de Charles X. Un malheureux préjugé l'obstinait dans ce régime censitaire qui faisait du parlement et du pouvoir le monopole d'une bourgeoisie disputeuse et frondeuse, d'un "pays légal" qui n'avait même pas foi dans le régime qu"il avait fondé.
Le remède, c'eût été un appel hardi au suffrage universel, le suffrage stabilistaeur, ratificateur et conservateur par excellence, au point d'être routinier, et qui eût donné au règne de Louis-Philippe l'appui des masses rurales.
On n'y pensa pas, pas plus que la médecine d'alors ne songeait à l'antisepsie..."