Constante des rapports franco-allemands...
De "Les conséquences politiques de la paix" :
1. Pages 97 à 99 :
"Vue d'ensemble, à très larges traits, l'histoire des rapports de la nation française et de la nation germanique peut se résumer ainsi : il y a eu antagonisme, conflit violent, chaque fois que l'Allemagne a été une grande construction politique, que ce fût l'Allemagne d'Othon (Bouvines), de Charles-Quint (deux censt ans de lutte contre la Maison d'Autriche) ou des Hohenzollern, avec toutes les diférences que le régime des Othon, des Charles ou des Guillaume comportait.
Au contraire, chaque fois que l'Allemagne a été formée de plsuieurs Etats indépendants, n'ayant entre eux que les liens peu tendus d'une fédération, plus ou moins cohérente, non seulement les guerres ont été rares, localisées et dépourvues de ce caractère national qui les rend impitoyables, mais encore les divers peuples allemands se sont montrés accessibles à la civilisation française.
On ne peut citer aucune époque où l'empreinte germanique se soit marquée profondément sur la France.
Il y a eu, au contraire, une époque où la France a trouvé en Allemagne des admirateurs, des alliés et des amis : c'est au dix-septième et au dix-huitième siècle, lorsque l'Empire, selon le mot du prince de Bülow, était une "mosaïque disjointe", au lieu de constituer un corps de nation.
L'expérience a donc prouvé que les deux peuples n'étaient pas impénétrables ni condamnés à une hostilité éternelle.
Mais, jusqu'ici, cette entente entre Allemands et Français n'a pu être obtenue qu'à une condition : c'est que l'Allemagne fût décomposée en ses éléments naturels, qu'elle ne formât pas un seul Etat centralisé, en possession d'une puissance politique génératrice de la puissance militaire et qui appelle elle-même cette puissance militaire.
Un Etat allemand, étant donné la place que l'Allemagne occupe au centre de l'Europe, sans frontières déterminées, avec des territoires contestés sur tout son pourtour, des prolongemesnt et des îlots germaniques qui créent un irrédentisme déclaré ou latent aussitôt qu'existe l'unité allemande, centre d'aimantation, cet Etat-là exige et postule le militarisme. Que ce soit celui des chevaliers de l'Ordre teutonique ou celui de la Reichswer, c'est tout un.
Le germanisme a inventé le militarisme parce que le germanisme a besoin d'une grande force militaire dès qu'il est l'expression d'un Etat, c'est-à-dire d'une puissance politique. Ou, ce qui revient au même, le germanisme est alors persuadé qu'il a besoin du militarisme pour exister, pour protéger ses "marches" mélangées de races diverses.
De la défense à l'agression, il n'y a qu'un pas : les motifs sont les mêmes. La possession d'un bon instrument militaire donne fatalement l'envie de s'en servir.
Voilà ce qui a fait que la sécurité de la France et le repos de l'Europe, dans les temps anciens et modernes, ont été incompatibles avec une forte organisation politique allemande, que le siège en fût à Vienne ou à Berlin.
Ce n'est pas seulement l'histoire de la France, c'est celle de la Pologne ou de la Bohême qui conduit aux mêmes conclusions.
2. Pages 102/103 :
"...Mais, en 1919, l'unité allemande a survécu à la défaite, à la chute des Hohenzollern et au traité de Versailles.
Non seulement les Alliés l'ont respectée, mais encore ils l'ont consacrée de leur sceau, ils lui ont donné la base juridique internationale qui lui manquait depuis 1871.
Les constituants de Weimar se sont chargés du reste. Ils ont resserré l'unité nationale. L'Empire de Guillaume II était, malgré tout, une fédération d'Etats. L'Empire républicain s'est centralisé et ne connaît que des "pays". Cette Allemagne plus unie que celle d'hier, c'est encore par la guerre, malheureuse cette fois, qu'elle a réalisé sa fusion.
Et ce nouveau déterminisme, celui de la défaite, pèse sur elle et sur l'avenir des relations franco-allemandes exactement comme le déterminisme de sa victoire après 1871..."
Illustration : qu'elle soit "Saint empire romain germanique" (comme sur cette carte), Maison des Habsbourgs, Deuxième ou Troisème Reich, ""lorsqu'on étudie les rapports de la France avec le reste de l'Europe, on s'aperçoit que la plus grande tâche du peuple français lui a été imposée par le voisinage du peuple germanique." (Jacques Bainville)