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Ecrivains royalistes (I) : Chateaubriand

La désastreuse Campagne de Russie (2)

La désastreuse Campagne de Russie (2)

7 septembre 1812 : bataille de Borodino (que les Russes appellent "de la Moskova"...

"...Arrivé sur les hauteurs de Borodino, Bonaparte voit enfin l’armée russe arrêtée et formidablement retranchée. Elle comptait cent vingt mille hommes et six cents pièces de canon ; du côté des Français, égale force. La gauche des Russes examinée, le maréchal Davout propose à Napoléon de tourner l’ennemi : "Cela me ferait perdre trop de temps", répond l’empereur. Davout insiste; il s’engage à avoir accompli sa manœuvre avant six heures du matin; Napoléon l’interrompt brusquement : "Ah ! vous êtes toujours pour tourner l’ennemi."

On avait remarqué un grand mouvement dans le camp moscovite : les troupes étaient sous les armes; Kutuzof, entouré des popes et des archimandrites, précédé des emblèmes de la religion et d’une image sacrée sauvée des ruines de Smolensk, parle à ses soldats du ciel et de la patrie : il nomme Napoléon le despote universel.

Au milieu de ces chants de guerre, de ces chœurs de triomphe mêlés à des cris de douleur, on entend aussi dans le camp français une voix chrétienne; elle se distingue de toutes les autres; c’est l’hymne saint qui monte seul sous les voûtes du temple. Le soldat dont la voix tranquille, et pourtant émue, retentit la dernière, est l’aide de camp du maréchal qui commandait la cavalerie de la garde. Cet aide de camp s’est mêlé à tous les combats de la campagne de Russie; il parle de Napoléon comme ses plus grands admirateurs; mais il lui reconnaît des infirmités; il redresse des récits menteurs et déclare que les fautes commises sont venues de l’orgueil du chef et de l’oubli de Dieu dans les capitaines. "Dans le camp russe", dit le lieutenant-colonel de Baudus, "on sanctifia cette vigile d’un jour qui devait être le dernier pour tant de braves. Le spectacle offert à mes yeux par la piété de l’ennemi, ainsi que les plaisanteries qu’il dicta à un trop grand nombre d’officiers placés dans nos rangs, me rappela que le plus grand de nos rois, Charlemagne, se disposa, lui aussi à commencer la plus périlleuse de ses entreprises par des cérémonies religieuses."
Ah ! sans doute, parmi ces chrétiens égarés, il s’en trouva un grand nombre dont la bonne foi sanctifia les prières; car si les Russes furent vaincus à la Moskowa, notre entier anéantissement, dont ils ne peuvent se glorifier en aucune façon, puisqu’il fut l’œuvre manifeste de la Providence, vint prouver quelques mois plus tard que leur demande n’avait été que trop favorablement écoutée..." (Mémoires d'Outre-Tombe, Garnier, 1910 (Tome 3, pages 255-386)