Sur la Maison de France.
"La monarchie française lie le monde ancien au monde moderne. Augustule quitte le diadème en 476; cinq ans après, en 481, la première race de nos rois, Clovis, règne sur les Gaules.
Charlemagne, en associant au trône Louis le Débonnaire lui dit: "Fils cher à Dieu, mon âge se hâte, ma vieillesse même m'échappe; le temps de ma mort s'approche. Le pays des Francs m'a vu naître, Christ m'a accordé cet honneur. Le premier d'entre les Francs j'ai obtenu le nom de César et transporté à l'empire des Francs l'empire de la race de Romulus.
Sous Hugues, avec la troisème race, la monarche élective devient héréditaire. L'hérédité enfante la légitimité, ou la permanence, ou la durée.
C'est entre les fonts baptismaux de Clovis et l'échafaud de Louis XVI qu'il faut placer l'empire chrétien des Français. La même religion était debout aux deux barrières: "Doux Sicambre, incline le col, adôre ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré", dit le prêtre qui administrait à Clovis le baptême d'eau. "Fils de Saint Louis, montez au ciel", dit le prêtre qui assistait Louis XVI au baptême de sang.
Quand il n'y aurait dans la France que cette ancienne maison de France, bâtie par le temps et dont la majesté étonne, nous pourrions, en fait de choses illustres, en remontrer à toutes les nations. Les Capet régnaient lorsque les autres souverains de l'Europe étaient encore sujets. Les vassaux de nos rois sont devenus rois. Ces souverains nous ont transmis leurs noms avec des titres que la postérité a reconnus authentiques; les uns sont appelés auguste, saint, pieux, grand, courtois, hardi, sage, victorieux, bien-aimé; les autres père du peuple, père des lettres. "Comme il est écrit par blâme", dit un vieil historien, "que tous les bons roys seraient aisément pourtraits en un anneau, les mauvais roys de France y pourraient mieux, tant le nombre en est petit."
Sous la famille royale les ténèbres de la barbarie se dissipent, la langue se forme, les lettres et les arts produisent leurs chefs-d'oeuvre, nos villes s'embellissent, nos monuments s'élèvent, nos chemins s'ouvrent, nos ports se creusent, nos armées étonnent l'Europe et l'Asie, et nos flottes couvrent les deux mers.
Mémoires d'Outre-Tombe, La Pléiade, Tome II, pages 909/ 910.