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L'aventure France racontée par les cartes...

Les langues régionales : une richesse...

Les langues régionales : une richesse...

...pour la Nation française, et pour la langue française elle-même, qui trouvait en elles autant de sources auxquelles elle pouvait s'enrichir.
Mais cette richesse a été combattue et rejetée par l'idéologie unificatrice de la République idéologique, et de son Jacobinisme uniformisateur.
Marcel Pagnol a raconté comment, enfant, il se souvenait très bien que ceux qui parlaient provençal se faisaient taper sur le bout des doigts par le Maître, avec sa règle. Cette guerre idéologico-culturelle ne fut pas menée à la seule langue provençale, mais à toutes les langues de France, aussi bien en Bretagne qu'à Marseille.....

L'un de ceux qui a le mieux évoqué cette guerre menée par un centralisme mortifère contre les vitalités des provinces françaises est Frédéric Mistral.
On sait que Mistral n'a jamais voulu mener son combat sur le terrain politique, bien qu'il fût, dans tous les domaines, y compris politique, profondément et fondamentalement traditionnaliste...
Il a donc évoqué, pour le dénoncer, ce centralisme désséchant, en 1866, dasn un poème intitulé "La Coumtesso", poème politique, mais sous forme cryptée, énigmatique de prime abord...

Il s'agit d'un poème puissant, véritable allégorie contre l'idéologie et la centralisation jacobine, où le message politique se cache sous les symboles et sous un certain hermétisme. C'est probablement l'un des plus beaux, et en tout cas l'un des plus forts poèmes de Mistral. L'un de ceux qui a le plus de souffle; et dans lequel on voit bien que l'amour de la "petite patrie" est la voie royale d'entrée vers l'amour de la "grande"; alors qu'à l'inverse, la détestation des particularités locales ne peut produire que des effets négatifs...

En voici l'argument : une Comtesse riche et belle, de sang impérial, vit fière, heureuse, libre et puissante. Mais sa soeur d'un autre lit l'enferme dans un couvent où règne la tristesse de l'uniformité perpétuelle, où tout est régi communément. Le poète appelle donc ses soupirants -s'ils savaient l'entendre, s'ils voulaient le suivre...- à partir comme des trombes, pour enfoncer le grand couvent, libérer la Comtesse, démolir le cloître et pendre l'abbesse !....

Que veut dire tout ceci ?

La Coumtesso, c'est évidemment la Provence: à la strophe III du Paragraphe I on lit "(elle avait)... des montagnes couvertes de neige pour se rafraîchir l'été; d'un grand fleuve l'irrigation, d'un grand vent le souffle vif...". Les montagnes, ce sont, bien sûr, les Alpes; le grand fleuve, le Rhône et le vent vif, le mistral.
La soeurâtre et le grand couvent c'est, non pas la France - car Mistral n'a jamais été séparatiste - mais la France jacobine, le Paris jacobin. Cette prison des peuples qu'est l'idéologie centralisatrice jacobine, contre laquelle Mistral appelle à la révolte. A la révolte mais, répétons-le, pas à la sécession....
Et Mistral prend à dessein l'image du couvent car il a bien compris que l'idéologie jacobine centralisatrice est l'héritère directe de cette Révolution qui s'est voulue, et pensée, comme une Nouvelle Religion : la NRR, la Nouvelle Religion Républicaine, qui veut à tout prix se substituer à la religion traditionnelle. Et qui a ses dogmes, ses temples, ses prêtres, ses commandements....
Dans ce couvent - au sens figuré - tout le monde est - au sens propre - soumis à la même loi tatillonne : à la strophe II du Paragraphe II on lit: "là, les jeunes et les vieilles sont vêtues également... la même cloche règle tout communément".
Comment ne pas se souvenir, ici, de la phrase fameuse : "...en ce moment, tous les écoliers de France sont en train de faire une version latine" ?....
Et comment ne pas voir une prémonition effrayée du "politiquement correct" et de l'auto-censure dans les vers suivants, toujours allégoriques: "En ce lieu, plus de chansons, mais sans cesse le missel; plus de voix joyeuse et nette, mais universel silence..." ? Oui : c'est bien la tyrannie de tous les "corrects" possibles (historiquement, culturellement, moralement, religieusement... corrects) qui a étouffé la pensée et fait régner une désolante uniformité que dénonce Mistral, par une anticipation fulgurante..... 140 ans après que le poème ait été écrit, c'est bien la police de la pensée qui est croquée ici, avec son "missel", et le "silence universel" qu'elle impose à toute voix autre que la sienne....
Cet étouffement de toute pensée, de toute liberté, ne peut aboutir qu'à la mort, tout simplement (strophe IV du Paragraphe II) : "A la noble demoiselle, on chante les Vêpres des Morts, et avec des ciseaux on lui coupe sa chevelure d'or..."
En Provence, en Bretagne et partout ailleurs, les mêmes causes produisent les mêmes effets,
et appellent les mêmes remèdes...
La Comtesse, ce sont donc les nations historiques qui composent le France, la Provence, évidemment, au premier chef, mais toutes les autres Provinces avec elle; mais aussi et surtout (1) la langue et la culture provençale, prisonnières dans un cachot du ministère de l'Instruction publique.
C'est aussi ce génocide culturel que dénonce, poétiquement, le poète en parlant des "tambourins" de la Comtesse que l'on a brisés. S'étant refusé à entrer en politique, Mistral utilise l'arme de la fable, de l'allégorie, pour dénoncer le mal...
Quant à l'appel aux soupirants de la Comtesse, "Ceux-là qui ont la mémoire", dit Mistral, comment ne pas voir qu'il s'agit là de l'exacte antithèse du fameux "Du passé faisons table rase" ?...
Mistral appelle donc à renverser l'idéologie et à rétablir les libertés locales: à "pendre l'abbesse" et "crever la grand couvent" (les quatre strophes du Paragraphe III, et dernier).....

(1) : "aussi et surtout", car Mistral l'a redit cent fois: la langue - par la culture qu'elle véhicule - est l'âme et le coeur d'un peuple, son ossature mentale....