1871 : Strasbourg, glacis anti-français...
Illustration : Ceinture fortifiée de Strasbourg (1872-1918).
Pour Bismarck, le nouveau Reichsland doit constituer un véritable glacis pour protéger l’Empire :
"Ce n’est pas pour l’Alsace-Lorraine que nos guerriers ont répandu leur sang, mais pour l’Empire allemand, pour son unité, pour la protection de ses frontières. Nous avons pris ces pays afin que les Français, dans la prochaine guerre, ne puissent commencer leurs incursions à la pointe de Wissembourg, mais pour avoir un glacis où nous puissions nous défendre avant qu’ils atteignent le Rhin." (Otto von Bismarck, Discours du glacis, novembre 1874 - cité dans Fernand L’Huillier, Histoire de l’Alsace. Paris : Que sais-je ? p. 96).
La décision de mettre en place un système défensif autour de Strasbourg est prise dès décembre 1871.
Les fortifications de Vauban et de Specklin sont détruites, remplacées par une enceinte de 11 km de longueur et percée de 12 portes (la seule qui subsiste aujourd’hui est la porte de la Guerre, Kriegstor).
La ville est par ailleurs entourée d’une ceinture de forts dits détachés (douze en Alsace et trois sur la rive droite du Rhin).
Ils sont distants en moyenne de 5 km des fortifications de la ville, la mettant ainsi à l’abri des tirs directs de l’artillerie.
La démission de Bismarck, le 20 mars 1890, a des conséquences sur la manière de concevoir la défense de l’Empire.
Sa politique d’isolement de la France prend fin d’autant plus que cette dernière se rapproche de la Russie dès 1890 et signe avec elle une convention militaire en décembre 1893.
L’Allemagne, dans l’obligation de prévoir l’attaque sur deux fronts, change de stratégie et adopte le plan von Schlieffen.
Ce plan consiste en un mouvement rapide des troupes allemandes par la Belgique afin d’arriver le plus vite à Paris pour ensuite se retourner vers les troupes russes.
Pour bloquer les troupes françaises en Lorraine et au sud de l’Alsace, le renforcement des défenses devient une priorité. Des fortifications nouvelles, plus éloignées, sont érigées dans le cadre de l’Oberrheinbefestigungen. L’objectif est de barrer la plaine d’Alsace aux troupes françaises venant de Belfort pour empêcher toute progression vers Metz.
Ces troupes seraient ainsi sous le feu croisé des canons strasbourgeois et ceux de la ligne plus éloignée dont le fort de Mutzig.
Le sud de l’Alsace est temporairement sacrifié aux impératifs de ce plan Schlieffen. Des petits ouvrages sont néanmoins construits à Neuf-Brisach et Chalampé et une Feste (fort masse) est construite à Istein pour assurer le contrôle du fleuve entre Hombourg et Bâle.
Pièce maîtresse dans le dispositif de défense, la décision de la construction de la Feste Kaiser Wilhelm II (fort masse empereur Guillaume II) à Mutzig est prise personnellement par l’empereur en 1893. Les travaux durent jusqu’en 1916.
Le fort est construit pour s’adapter à la fois à un nouvel explosif, la mélinite, et aux innovations techniques des années 1880.
Le béton remplace la pierre et la brique, les pièces sont protégées sous des cuirassements en fonte puis en acier.
Première fortification bétonnée, cuirassée et électrifiée, le fort de Mutzig a été la plus grande fortification allemande (250 hectares et abritant 6000 hommes).