La politique des "Réunions" de Louis XIV...
De Michel Mourre :
Réunions (politique des). Politique d'expansion territoriale sur les frontières de l'est poursuivie en pleine paix par Louis XIV, après le traité de Nimègues (1679).
Inaugurée par Croissy, secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, cette politique consistait à exploiter le vague des traités qui cédaient des territoires et des villes "avec leurs dépendances". Or, surtout dans ces régions de l'est, il y avait tant de complexité dans le régime féodal qu'on pouvait, sous le nom de "dépendances" élever des prétentions sur toutes sortes de seigneuries et de villes.
Louis XIV créa dans le parlement de Metz, dans le conseil souverain de Brisach, et dans le parlement de Besançon des "chambres de réunion" chargées de rechercher les terres et fiefs qui avaient relevé des Trois-Evêchés, des villes d'Alsace ou de Franche-Comté, afin de prononcer, par arrêt de justice, leur réunion à la Couronne.
Ces chambres adjugèrent à la France Sarrebrück, Saarewerden, Falkenberg et Gemersheim, qui appartenaient à l'électeur de Trèves; Weldenz, qui appartenait à l'électeur palatin; Deux-Ponts (Zweibrücken), qui appartenait au roi de Suède; Lauterburg, qui appartenait à l'évêque de Spire; Montbéliard, qui appartenait au duc de Wurtemberg, etc...
Sans tenir compte des protestations de la diète germanique de Ratisbonne, Louis XIV, en septembre 1681, concentra en Alsace près de 30.000 hommes, qui investirent Strasbourg et sommèrent la ville de reconnaître pour maître le roi de France, en vertu d'un arrêt du parlement de Brisach; la municipalité dut s'incliner et, le 8 octobre 1681, Louis XIV fit son entrée dans Strasbourg.
Ces manifestations de l'impérialisme français indignèrent l'Allemagne et favorisèrent les intrigues de l'infatigable ennemi de Louis XIV, Guillaume d'Orange.
L'Allemagne, où la France avait compté jusqu'alors tant d'alliés et de clients, se groupa presque tout entière contre Louis XIV dans la Guerre de la Ligue d'Augsbourg (1689/97).
Au traité de Ryswick (1697), Louis XIV dut restituer toutes les "réunions", sauf celles d'Alsace."
Illustration : sur cette carte, tirée de l'Atlas historique de Georges Duby (Larousse), on voit, en jaune, l'importance des "réunions" que, malheureusement, Louis XIV n'arriva pas à conserver; du moins la paix de Ryswick nous laissait-elle l'Alsace : ce n'était pas mal joué...