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A ne pas manquer : dans Causeur, le savoureux "Conte de Pâques", de Jean-Paul Brighelli.

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Un affidé de Bonnet d’âne m’envoie le conte ci-après.

Ma foi, il pourrait faire un codicille intéressant aux Chroniques de Patrick Rambaud, que je salue si par hasard il me lit.

Alors, et bien que de toute évidence il ait germé dans le cerveau d’un adversaire résolu de Not’Bon Maître, sur lui la paix et la bénédiction, et parce que « Raoul de Massalia » dont il chante indûment les louanges a été mon condisciple, avec un léger décalage, au lycée Saint-Charles de Marseille, je le propose à la Communauté du Bonnet, qui vaut bien celle de l’Anneau… JPB

Or doncques, il advint que le royaume du jeune et sémillant monarque Manu-Henri III et de la reine-mère Catherine de Macaron fut frappé par la peste venue des Indes et du Royaume de Siam. Les sujets de Sa Majesté n’en mouraient pas tousse, mais tousse étaient frappés.

Le couvre-feu fut bientôt déclaré sans que cela ralentît la diffusion du fléau : en effet, dans les faubourgs des grandes cités du royaume, les jeunes revêtus de houseaux Nike et portant un chaperon en guise de couvre-chef continuaient à circuler en toute impunité pour se livrer à leurs activités favorites — pillages, commerce de poudre du Levant, incendie de carrosses et lapidation de la maréchaussée — sous l’œil paternel et bienveillant des magistrats.

Comme le royaume manquait de gantelets et de heaumes pour se protéger des miasmes mortels, le nombre des victimes s’accroissait chaque jour, surtout parmi les vieillards déjà affaiblis par le jeûne consécutif à la baisse des retraites décidée par Sa Majesté, dans sa grande sagesse.

Devant l’urgence de la situation, le royaume réagit comme il l’avait toujours fait : on convoqua les États Généraux des carabins chargés de nommer commissions et sous-commissions afin d’aboutir à la constitution d’un collège d’experts qui rendrait un rapport préliminaire d’ici 2 à 3 ans.

C’est alors qu’un vieil alchimiste provençal surnommé Raoul de Massalia prétendit pouvoir soigner les pestiférés avec un vieux remède, la quinina, autrefois utilisé par les chevaliers francs lors des croisades afin de se prémunir des redoutables fièvres orientales. On fabriquait ledit remède pour à peine quelques sous et le comte de Nice ainsi que son épouse la comtesse avaient même été guéris en quelques jours de l’affliction qui menaçait leurs vies. Certains serfs, qui faisaient la queue devant le dispensaire du vieil alchimiste, parlaient de miracle, tandis qu’à la cour royale on se gaussait de celui qu’on surnommait déjà le vieux fol : personne ne croyait qu’un remède aussi peu cher et aussi peuchère viendrait à bout du fléau.

Bientôt Raoul fut conchié par les médecins parisiens de la Cour Royale : on lui reprocha d’abord d’être un vilain, un bouseux de basse extraction qu’on ne voyait jamais à la capitale, qui ne mettait même pas de perruque poudrée et déambulait tète nue et les cheveux au vent , ce qui n’augurait à l’évidence rien de bon sur ses compétences médicales.


On lui reprocha aussi d’être un partisan du roi Charles Premier le Grand — dernier souverain de Gaule et vainqueur des chevaliers teutoniques — unanimement jalousé par ses successeurs infoutus de remporter une seule victoire, même contre un loup solitaire aliéné. Les dévots lui reprochèrent enfin de s’être opposé au voilement des femmes sarrasines à l’université, ce qui constituait assurément un blasphème.


A la tête de la cabale, il y avait un trio de la plus haute noblesse : d’abord la duchesse de La Combe, abbesse de l’hôtel-Dieu St- Antoine et de TF1 ; puis l’ancien membre du Conseil Royal, la baronne Agnès Business ; et enfin l’époux de cette dernière, Le baron Yves le Vil, ayant exercé la charge de Grand Apothicaire Royal.

Alors que la peste avait déjà fait des dizaines de milliers de victimes, un cacochyme chenu souffrant de plusieurs tumeurs vint à défuncter : il s’était administré 45 gélules 8 fois par jour pendant une semaine du prétendu remède de Raoul de Massalia. On oublia aussitôt tous les autres morts et on ne parla plus que de celui-là dans les gazettes royales qui firent passer l’épidémie au second plan.

Les innombrables vilains scrofuleux ou atteints d’écrouelles que Raoul avait sauvés l’accusèrent de sorcellerie. Le parti monarchique, LAREM (la Royauté En Manu), exigea un procès . Menacé d’excommunication et du bûcher, l’alchimiste se rétracta et abjura devant le tribunal de l’inquisition. Certains témoignent qu’en quittant la salle d’audience, toujours aussi hirsute, il marmonna « et pourtant elle soigne !  ».

Heureusement , tout est bien qui finit toujours bien dans le royaume de France.
La reine-mère Catherine de Macaron, ayant contracté la peste en assistant à une représentation au théâtre royal, fut sauvée par la grâce de Dieu et une fiole de quinina que le chevalier Alexandre Filsdedieu avait conservé par devers lui. Ainsi, le bellâtre musculeux tombé en disgrâce redevint connétable du royaume et premier mignon du roi. Il put organiser de grands concerts au Palais Royal pour le plus grand plaisir de Sa Majesté qui aimait entendre troubadours et ménestrels travestis chanter du rap, entre deux parties de bilboquet.

Après un an et demi d’épidémie et autant de morts que pendant la grande peste noire de 1348, la duchesse de la Combe, la baronne Agnès Business et le baron Yves le Vil inventèrent enfin un remède efficace contre la peste. La preuve que ce remède était efficace, il coûtait plusieurs écus d’or. Mais même les plus pauvres s’endettèrent tant la peur de la maladie les taraudait et tant ils avaient vu mourir les leurs, ce qui fit la fortune des laboratoires d’apothicaires, généreux mécènes des nobles la Combe, Business et le Vil.


Quant au bon roi Manu-Henri III, il se montra magnanime et généreux : comme le nombre des retraités avait considérablement diminué, un édit royal annula la réforme des retraites pour les quelques vieillards qui avaient survécu à la peste et à la libération de milliers de gibiers de potence des geôles du royaume par la chancelière de Belle-ou-Bête. En même temps, le roi rétablit la gabelle car il fallait bien renflouer les caisses du royaume et surtout payer les pensions des privilégiés.
Personne ne sut ce qu’était devenu Raoul de Massalia. A la Cour, dame et chevaliers affirment en frissonnant que Satan en personne est venu le prendre pour l’emmener à la Géhenne, et l’on dissimule dans des reliquaires les dernières fioles de quinina au cas où la peste reviendrait.

D’autres disent qu’il s’est exilé dans l’Empire Songhaï où il est considéré comme un grand marabout-guérisseur capable de ressusciter les maures atteints de fièvre hémorragique. Alors qu’il est oublié dans le royaume de France, on trouve une statue de Raoul devant le palais de Mac Donald Premier, roi-consul des Amériques, mais il s’agit probablement d’une énième provocation du souverain d’Outre-Atlantique .

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