L'aventure France en feuilleton : Aujourd'hui (67), Les invasions normandes (III/III) : Bientôt, Paris, capitale des Capétiens
Ce qui fonde la légitimité, ce sont les services rendus...
L'origine directe de la troisième dynastie, celle des Capétiens, découle précisément des incursions normandes : c'est parce que son père, Robert le Fort avait déjà défendu Paris contre les Vikings, et parce qu'il la défendit vaillamment lui-même - face à l'incurie du roi légitime, Charles le Gros - que le duc Eudes posa les bases véritables de la dynastie Capétienne.
Même si - comme l'explique Jacques Bainville - il eut la sagesse, après avoir été proclamé roi, à la suite de sa défense de Paris, de laisser les Carolingiens reprendre le pouvoir : il fallut attendre encore près d'un siècle pour que la nouvelle dynastie s'emparât définitivement du trône, en 987, avec Hugues Capet...
Mais, avec les incursions des vikings, le mouvement qui devait amener au pouvoir la nouvelle dynastie était définitivement lancé...
Extrait du "Grand siège" (tiré de "Paris", Citadelle et Mazenod, pages 25/26) :
"Les Normands avaient commencé leurs incursions sur les côtes françaises dès la fin du règne de Louis le Pieux, mais ce n'est qu'après la mort de celui-ci et le partage de l'Empire carolingien qu'ils s'enhardirent à pénétrer plus profondément à l'intérieur des terres en remontant les fleuves. Paris subit leurs premiers assauts aux débuts du règne de Charles le Chauve.
Dans un premier temps, ses habitants firent comme ceux de la plupart des villes attaquées : ils s'enfuirent à l'approche des pirates. Lorsqu'en mars 845, une bande conduite par Lagnar Lodbrog remonta la Seine, ils lui abandonnèrent une ville déserte, puis négocièrent une rançon pour obtenir son départ.
Le 27 décembre 856, Paris fut de nouveau livrée au pillage et la plupart des églises brûlées, à l'exception de Saint-Denis, Saint-Germain-des-Prés et la cathédrale Saint-Etienne, épargnées moyennant le paiement d'un lourd tribut. Installés dans l'île d'Oscelle, en face de Jeufosse, les Normands menaient fréquemment des raids jusqu'à Paris. Les courageuses mesures de défense prises par Charles le Chauve, notamment la construction de ponts fortifiés, se révélèrent d'une efficacité éphémère : malgré quelques succès remportés par Robert le Fort, l'abbaye de Saint-Denis fut de nouveau pillée en 856-866.
En 885, toutefois, les Parisiens décidèrent de résister.
Les circonstances de cette défense, qui devait valoir à la ville un immense prestige et conduire l'un de ses héros sur le trône de France, sont bien connues par le poème épique des "Guerres de la ville de Paris", composé peu après les faits par le moine de Saint-Germain-des-Prés, Abbon.
L'évêque Gozlin prit l'initiative de la résistance en faisant hâter la réparation des anciennes fortifications du Bas-Empire qui protégeaient l'Île de la Cité. Deux ponts existaient alors : au sud, le Petit-Pont, dont l'emplacement n'a pas changé, était protégé par le Petit-Châtelet; au nord, le Grand-Pont avait été reconstruit en 861 par Charles le Chauve; peut-être se situait-il encore, comme à l'époque gallo-romaine, au débouché de l'ancien cardo (rue Saint-Martin), mais il est plus probable qu'il ait été déjà décalé vers l'aval, à l'emplacement de l'actuel Pont-au-Change. Le Châtelet médiéval serait alors l'héritier de sa tour nord.
L'armée normande se présenta devant Paris le 24 novembre 885. Tous les habitants des quartiers situés hors de la Cité s'étaient réfugiés à l'abri du rempart avec ce qu'ils avaient pu emporter de plus précieux, notamment les reliques des églises suburbaines. Les corps de saint Germain, sainte Geneviève et saint Marcel furent ainsi transportés dans des églises de la Cité.
Le 25 novembre, Gozlin refusa l'offre du chef normand Siegfried qui lui proposait d'épargner Paris moyennant le libre passage du fleuve : la ville, par sa position stratégique, devait défendre l'ensemble du royaume. Un premier assaut fut repoussé par les défenseurs menés par le comte de Paris, Eudes, fils de Robert le Fort. Les Normands installèrent alors leur camp près de Saint-Germain-le-Rond (Saint-Germain-l'Auxerrois). Plusieurs attaques échouèrent encore pendant l'hiver. En mai, Eudes partit chercher des renforts et obtint la promesse d'une intervention impériale. A l'automne, les Parisiens virent enfin s'approcher l'armée de Charles le Gros. Mais plutôt que de livrer bataille, celui-ci préféra traiter avec les Normands.
La faiblesse de l'empereur carolingien ne fit qu'accentuer le prestige des Parisiens et de leur chef, seuls à avoir osé résister aux pirates. Eudes fut nommé marquis de Neustrie - toutes les régions entre Loire et Seine - par Charles le Gros et, à la mort de celui-ci, une assemblée de grands seigneurs laïques et ecclésiastiques le porta sur le trône de France.
Après lui, la dynastie carolingienne retrouva provisoirement le pouvoir, mais la puissance de sa famille ne cessa de croître jusqu'à l'avènement d'Hugues Capet, dont les successeurs firent peu à peu du siège de leur ancien comté - devenu entre-temps "ducatus Franciae" - la capitale du royaume..."
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