L'aventure France en feuilleton : Aujourd'hui (64), Le Traité de Verdun et la Lotharingie...
De Jacques Bainville, Histoire de France, chapitre III, Grandeur et décadence des Carolingiens :
"...Après quatre générations de grands hommes, la vigueur des Pipinnides était épuisée. Leur bonheur aussi.
L'empereur Louis était un faible. Les peuples sentirent ce qui manquait à l'héritier de Charlemagne pour continuer l'œuvre de ses ancêtres et Louis « le Pieux » fut encore surnommé par ironie « le Débonnaire ». Dès qu'il règne, la belle machine construite par son père se dérange. Des révoltes, des conspirations éclatent. Des partis se forment. Les évêques eux-mêmes s'en mêlent.
La majesté impériale n'est plus respectée. À deux reprises, « le Débonnaire » est déposé après avoir subi l'humiliation des pénitences publiques. Restauré deux fois, son règne s'achève dans l'impuissance en face de ses trois fils rebelles qui, avant sa mort, se disputent son héritage les armes à la main.
Lothaire, l'aîné, voulait maintenir l'unité de l'Empire. Charles le Chauve et Louis le Germanique se liguèrent contre lui. C'était déjà plus qu'une guerre civile, c'était une guerre de nations. La Paix, qui fut le célèbre traité de Verdun, démembra l'Empire (843). Étrange partage, puisque Louis avait l'Allemagne, Lothaire une longue bande de pays qui allait de la mer du Nord jusqu'en Italie avec le Rhône pour limite à l'ouest, tandis que Charles le Chauve recevait le reste de la Gaule.
L'unité de l'Empire carolingien était rompue. De cette rupture il allait mourir encore plus vite que la monarchie mérovingienne n'était morte. Les partages étaient l'erreur inguérissable de ces dynasties d'origine franque. Celui de Verdun eut, en outre, un résultat désastreux : il créait entre la France et l'Allemagne un territoire contesté, et la limite du Rhin était perdue pour la Gaule. De ce jour, la vieille lutte des deux peuples prenait une forme nouvelle. La France aurait à reconquérir ses anciennes frontières, à refouler la pression germanique : après plus de mille ans et des guerres sans nombre, elle n'y a pas encore réussi.
Nous devons un souvenir à celui des petits-fils de Charlemagne auquel la Gaule échut. De même que Louis le Germanique fut tout de suite un roi allemand, son frère, Charles le Chauve, se nationalisa et fut un roi français. Il eut à cœur de retrouver les provinces de l'Est. Le royaume de Lothaire n'était pas viable : faute d'avoir pu garder toute la Lotharingie ou Lorraine, Charles du moins écarta le roi allemand le plus loin possible.
Malheureusement, il fut égaré par la chimère impériale et s'épuisa à vouloir reconstituer l'Empire carolingien. Mais il n'avait pas laissé de prescription s'établir contre la France. S'il n'avait pas rétabli l'unité de l'Empire, il avait affirmé l'unité française. C'était une idée nationale. Pour qu'elle vécût, il n'était pas inutile qu'elle eût été proclamée avant la disparition de l'État carolingien. Cette idée vivrait. D'autres allaient la recueillir..."
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