Election sans avenir, par Hilaire de Crémiers
Il n’y a plus de bonnes solutions aujourd’hui. Il faut aller à l’essentiel. Deux hypothèses sont aujourd’hui envisageables. Que peut-il en découler ?
L'élection présidentielle ne règlera aucun problème. Elle aura divisé les Français encore plus profondément. Telle est la malfaisance essentielle de cette élection et qui ne se trouve pas à ce degré-là dans les autres pays dits démocratiques.
Première hypothèse. François Hollande est élu ; c’est dans les probabilités, n’est-ce pas ? D’abord tout ce que Nicolas Sarkozy a fait, est remis en cause, mais, pire ou mieux si l’on veut, tout ce qu’il a dit qu’il fallait faire et qu’il a commencé à mettre en œuvre , comme s’il avait devant lui le temps, est non seulement abandonné, mais rejeté. Alors, dans ce cas, que pense Sarkozy de pareil système ? Et les Sarkozystes ? Aiment-ils suffisamment la France – et non pas eux-mêmes et le seul pouvoir et leur carrière et leur tranquillité – pour oser enfin penser que pareil système est tout simplement criminel ? Ensuite qu’est-ce que fait Hollande ? Il gagne les législatives : soit. Et puis ?...
Les homosexuels ont tous les droits ; les embryons humains sont déversés par milliers dans les laboratoires qui en font ce qu’ils veulent ; les revenus, les patrimoines, l’épargne sont taxés ; des postes de fonctionnaires sont créés ; l’immigration facilitée se développe à haut rythme….Et puis ? Et puis, l’Allemagne refuse d’entrer dans les considérations des socialistes français ; l’Europe pareillement, cette Europe si chère aux socialistes mais dont la logique – perverse d’ailleurs – leur échappe totalement, car ils ne l’ont jamais étudiée en termes politiques, mais, comme tous les politiciens de carrière, uniquement en termes de pouvoir.
L’Allemagne, l’Europe, l’Angleterre, les autres pays européens disent « non » à tout ce que demandent les socialistes français pour arranger leurs affaires. La Pac, entre autres, commence à être revue et corrigée à Bruxelles à l’encontre des intérêts français. Les socialistes, pas plus que les UMP, n’ont pris garde à cette évolution… « On verra bien, on fera des rapports, on protestera », répétition des mêmes procédés dilatoires.
Aucune croissance n’apparaît dans de telles circonstances. Les déficits s’aggravent ; la dette française ne se contrôle plus ; tous les comptes publics, ceux de la Sécurité sociale également, se détériorent à grande vitesse. La note de la France est encore dégradée. Des socialistes qui se croient plus malins que les autres, ironisent sur les agences de notation et déclarent qu’ils vont en créer une, à eux, rue de Solférino….Et après ? L’argent faisant défaut, une agitation sociale ébranle tout le pays, suivie de désordres immaîtrisables. Hollande fait des discours moralisateurs : « C’est la faute à… » Et puis ? Et puis, plus personne ne fait confiance à la France ; l’argent ne rentre plus nulle part ; les Français exaspérés méprisent leur classe politique ; la situation morale du pays devient dramatique ; la crise institutionnelle commence ; les socialistes eux-mêmes se déchirent entre eux ; Hollande qui n’est pas Mitterrand, n’a pas le courage d’ inverser la vapeur…Fin de la séquence. Libre à chacun, pour l’heure, d’imaginer ce qui se passe après. Cinq républiques, cinq désastres pour finir.
Un système pervers
Seconde hypothèse. Nicolas Sarkozy est élu. Ça ne se passe guère mieux. D’abord, il gagne de justesse. Un fond de population est furieusement remonté contre cette élection, défaut essentiel du système. Dire qu’il est le président de tous les Français, n’est qu’une parole, au mieux un vœu pieux. Ensuite il a beaucoup de mal aux législatives ; les triangulaires sont funestes à l’UMP.
La gauche s’est partagée les circonscriptions. Un risque est là, d’une votation inversée. Cohabitation ? Que fait Sarkozy ? Que pensent les Sarkozystes ? La faute à l’extrême droite ? Allons, la faute au système, c’est évident ! Supposons qu’il ait une majorité, que fait-il ? Il est tenu, complètement tenu par l’Europe à laquelle il a sacrifié, par l’Allemagne à laquelle il s’est lié pour sauver la partie, sa partie, et sur le plan intérieur par ceux dont il dépend, qui appartiennent au système, et qui n’ont rien à voir malheureusement avec ceux qui lui ont conseillé, cette fois là encore, de mener sa campagne électorale à droite. C’est aux premiers qu’il a d’abord donné des gages : pour eux tout continuera comme avant ; ils auront les vrais postes déterminants ; il n’est pas question de remettre en cause l’essentiel de leur pacte, européen, mondial, essentiellement financier, en dépit de tous les discours. Pourquoi donner des noms ?
Il suffit de lire pour comprendre. Quant aux seconds, ils ne sont chargés que de redonner vie à l’image droitière. Ce double langage, est-ce la faute de l’homme qui ne serait qu’un Machiavel ? Que nenni ! Le système ne l’accepte que dans ces conditions. Le premier à le savoir, c’est bien lui.
De toutes façons, c’est très mal parti pour lui, car le scénario politique sera aussi chaotique. Pour la raison simple qu’il n’est pas possible de vouloir l’impossible ! Le saut dans le fédéralisme européen ne se fera pas. Inutile de faire comme s’il était fait !
Les Allemands ne disent plus « oui » qu’en traînant les pieds et par nécessité du moment. Le dernier vote du Bundestag ne doit procurer aucune illusion. Le G20 de février comme le FMI se sont défaussés sur l’Europe qui doit constituer sa propre capacité de riposte financière avec le fameux MES, d’avance, pour ainsi dire, dégradé. Reste donc à la BCE à réalimenter les banques : pour continuer sur la même pente. Les sommets européens ne règlent rien, le dernier pas plus que les autres. Wolfgang Schäuble, lui-même, Angela Merkel, elle-même, mettent en garde. Plus question d’avancer dans le sauvetage grec – 350 milliards d’euros ! – sans contrepartie. Les banques ont renégocié leur créance avec une facture à leur charge de 100 milliards. Et en avril prochain, les Grecs votent ! En même temps que les Français ! Une majorité d’Allemands pensent maintenant que la Grèce doit sortir de l’euro. Le Premier ministre de Bavière, Horst Seehofer, l’a carrément dit fin février et toute la presse allemande s’en est fait l’écho. Il est clair que si un pays sort de la zone euro, c’est l’union monétaire qui s’effondre. Et c’est le moment choisi pour faire entrer la Serbie dans l’Union européenne !
Nicolas Sarkozy n’y arrivera pas. La volonté n’y suffit pas. Ni les astuces ni la rapidité. La question économique et sociale française se pose alors en termes dramatiques. La crise institutionnelle commence. Les faux amis de Sarkozy qui sont tous des rivaux ou des manipulateurs, le quittent. Que fait-il ?
Un système sans avenir
Marine Le Pen qui a le sens national – et refuser de le reconnaître relève de la mauvaise foi, quoi qu’on pense par ailleurs de ses propositions, – ne peut parvenir à rien. Au mieux un bon score au premier tour. S’imaginer réussir au deuxième tour, est la pire des illusions. Le système la détruira plutôt, et d’autant plus qu’elle a été la seule avec Dupont-Aignan à poser la question monétaire ! Ainsi en a-t-il été de toutes les réactions nationales depuis deux cents ans. Le système les a jouées, il les a ridiculisées, il les a tuées. Aucune n’a abouti. À quoi sert de dénoncer le système si c’est pour essayer d’y entrer ? Il sera plus sage un jour de poser la question institutionnelle, la vraie.
C’est d’elle que tout dépend. Oui ou non, veut-on que la France vive ?
François Bayrou, lui qui ne veut être ni de droite ni de gauche, devrait y songer, lui aussi, s’il avait quelque cohérence d’esprit. Pourquoi, diable, vouloir faire de son Centre un parti de plus ? Dans le système, ce Centre ne sera bon qu’à se déchirer, ce qui se produit inéluctablement, leçon de plus et qui va dans le même sens.
Le problème politique français se ramène à une question des plus simples : quel homme politique assez fort et assez courageux aura l’audace de mettre un terme au système détestable qui progressivement anéantit la France ? ■
(Politique magazine, mars 2012, numéro 105 )