1914, le martyre d'une cathédrale (VIII/IX)...
Cette journée de vendredi s'était terminée sur un furieux combat d'artillerie. Mais, le lendemain, il parut que les Allemands étaient soudain en proie à une de ces fièvres de vandalisme qui avaient transformé Louvain en un monceau de décombres. Durant toute la matinée, leur tir s'acharna sur la cathédrale. Ce fut alors que souffrit principalement le côté Sud, près duquel sont situés le palais de l'archevêque et la fameuse salle du Tau, où avait lieu, lors du sacre des rois de France, le festin royal. Ces édifices furent complètement détruits. Plusieurs obus atteignirent la cathédrale; s'ils n'entamèrent pas les murailles, ils en détachèrent d'énormes fragments de maçonnerie. Un projectile s'abattit sur l'encoignure Nord-Est, brisant un contrefort et incendiant les poutres du toit. On peut s'étonner que ce monstrueux obus n'ait pas détruit l'édifice de fond en comble. La raison en est qu'il avait été tiré à une distance de 11 kilomètres et sous un grand angle; la force de pénétration des projectiles ainsi lancés était très réduite au moment où ils atteignaient leur but; ils arrivaient là morts, pour ainsi dire, dangereux seulement par leur explosion.
Pendant ce bombardement, les blessés allemands étaient devenus fous de peur. Les plus valides se traînaient sur les marches des escaliers pour se réfugier dans les tours.
Nous abordons maintenant la grande tragédie, celle dont les résultats allaient être irrémédiables. Depuis mai 1913, la tour du Nord-Ouest était en réparation, et des échafaudages l'escaladaient presque jusqu'à son sommet. Vers 4 heures, samedi soir, ces charpentes prirent feu. D'après M. l'abbé Chinot, qui se trouvait alors dans l'intérieur avec l'archevêque, le cardinal Luçon, qui, de retour du Conclave, avait regagné Reims sitôt qu'il l'avait pu, un obus serait tombé en plein sur le haut de l'échafaudage. L'incendie qui éclata instantanément aurait pu être éteint; malheureusement, le poste de pompiers le plus proche avait été détruit par un obus. Les flammes se répandirent dans le fouillis de poutres avec une rapidité incroyable; en quelques minutes, elles l'enveloppèrent d'une nappe de feu et gagnèrent les fermes de chêne des toits, qui s'enflammèrent comme des allumettes. La scène présenta un aspect d'une horreur sublime.
A l'intérieur, le spectacle était peut-être encore plus impressionnant. Affolés, les Allemands cherchaient une issue; mais le plomb fondu qui tombait de la toiture avait incendié la paille. L'archevêque et l'abbé Chinot montrèrent le chemin aux plus valides et entraînèrent les autres vers la porte du Nord. Là, s'était rassemblée une foule qu'exaspérait l'œuvre de destruction, et les deux ecclésiastiques eurent fort à faire pour sauver la vie des prisonniers. La plupart purent être transportés dans une imprimerie voisine; mais d'autres, qui tentaient de se réfugier dans le palais de l'archevêque, furent surpris par les flammes, quelques-uns même furent assaillis par la foule indignée. On estima le nombre de ceux qui périrent à une douzaine, y compris un officier. Les autres durent leur salut au noble dévouement du cardinal et de l'abbé Chinot.