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Maîtres et témoins...(II) : Jacques Bainville.

"L'esprit d'entreprise et d'audace" français...

"L'esprit d'entreprise et d'audace" français...

Le Point, dans son numéro 2135, du 14 Aout 2013, loue l'esprit d'entreprise français.
La Une de l'hebdomadaire, "Le Génie français", est sous-titrée : "Pourquoi il ne faut jamais désesperer de la France", et montre les sept photos d'Yves Saint-Laurent, Marie Curie, Roland Moreno, Paul Bocuse, Marcel Dassault, Louis Pasteur et Coco Chanel.

Et, de fait, malgré un Système politique qui la déclasse et l'affaiblit, la France demeure ce qu'elle a toujours été : une grande nation, malgré tout, et surtout malgré ses Institutions si mauvaises.
En effet, la France tient toujours son rang, avec - pour ne citer que cela... - l'invention de la carte à puce, la découverte du virus du Sida, la technologie de pointe du TGV et, bien sûr, les domaines aéronautiques et spatiaux où - avec cinq fois moins d'habitants - elle tient la dragée haute aux Etats-Unis d'Amérique, avec ses Concorde, Airbus, SPOT et autres Arianes...

Voilà de quoi alimenter une saine fierté d'être français - rien à voir, pour ceux qui font du mauvais esprit, avec le chauvinisme - et nourrir notre patriotisme et notre nationalisme : comme le notait déjà Bainville, en 1906, "l'esprit d'entreprise et d'audace" fait bien partie de ce que Le Point a raison d'appeler, aujourd'hui, "Le Génie français"... Même si, avec la pondération qui le caractérise, Bainville souligne à juste titre notre faiblesse à tirer profit de nos entreprises, un état d'esprit où, là, les anglo-saxons nous sont supérieurs...

Du Journal, de Jacques Bainville, Tome I, 1901/1918, pages 43/44, note du 12 octobre 1906 :

"Je ne sais pourquoi l'on vante autant l'esprit d'entreprise et d'audace des Américains du Nord. Le Yankee est excentrique, d'accord. Mais il y a plus hardi que lui. Sur toute la surface de la terre, le peuple qui a osé et accompli les choses les plus extraordinaires, c'est certainement le peuple français. Aucun autre n'a dans ses annales des aventures de tout ordre aussi audacieuses et aussi vastes.

Nul impérialisme ne vit jamais plus grand que celui qui conquit la Grèce, Constantinople et la Palestine, qui s'installa en Sicile, plus tard aux Indes, qui alla plus loin que les conquistadors du nouveau monde, plus loin que Charles XII en Russie et qui devança presque partout l'Angleterre.

On renomme les Français pour leur timidité en affaires; et ce sont eux pourtant qui ont exécuté de leurs deniers et à leurs risques et périls les entreprises les plus extraordinaires des temps modernes : le Canal de Suez et plus tard le Canal de Panama. Que n'avons-nous pas inventé ? Où n'avons-nous pas tracé la voie ? Où ne fûmes-nous pas précurseurs ? Qui est-ce qui demande à percer le Tunnel sous la Manche ? C'est bien nous. Et qui se fait tirer l'oreille pour exécuter ce grand projet ? Messieurs les Anglais.

Nous semons toujours et nous récoltons quelquefois. Mais quand à récolter, il faut bien avouer que l'Américain sait s'y prendre. C'est lui qui tirera tous les avantages du Panama dont le fruit nous a échappé dans nos discordes civiles, mais dont l'idée, le plan, le premier effort n'appartiennent qu'à nous.

La chimère gauloise, la témérité française sont quelquefois de bonnes affaires. Elles en deviennent d'excellentes entre les mains américaines.